Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/178

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persécuté les Juifs, ces favoris de Dieu ; on devait donc tenir compte de cet avertissement, traiter les Juifs avec bonté et les accueillir en Angleterre. Après avoir démontré par de nombreux versets bibliques la prédilection de Dieu pour Israël, il rappelait les paroles d’un prédicateur qui avait cité dans le Parlement ce passage des Psaumes : Ne touchez pas à mes oints et ne maltraitez pas mes prophètes, et qui avait affirmé que les nations étaient heureuses ou malheureuses selon qu’elles se montraient justes ou malveillantes à l’égard des Juifs. Il est donc de votre devoir, continuait-il, de favoriser les Juifs, de les consoler, de nous faire pardonner le sang innocent répandu dans notre pays et de les unir à nous par des relations amicales. Sans doute, les papes qui humilient et oppriment les Juifs verraient avec déplaisir que l’Angleterre les traite équitablement ; ce serait là un motif de plus de leur témoigner des égards.

Ce livre apologétique produisit une très vive sensation en Angleterre et en Hollande. Manassé en éprouva une joie très grande, et il se mit immédiatement à l’œuvre, de son côté, pour obtenir pour les Juifs le droit de séjourner en Angleterre. Son esprit était pourtant hanté d’une grave préoccupation : il se demandait, avec beaucoup d’illuminés chrétiens, ce qu’étaient devenues les dix tribus que Salmanasar, roi d’Assyrie, avait exilées. Restaurer le royaume juif sans ces dix tribus lui paraissait impossible, car t’eût été s’écarter des paroles des Prophètes, qui affirment qu’Israël sera de nouveau réuni à Juda. Il importait donc de démontrer l’existence de ces tribus. Manassé fut servi à souhait par le hasard. Un voyageur juif, Montezinos, avait, en effet, affirmé par serment quelques années auparavant que, dans une région de l’Amérique du Sud, il avait rencontré des Juifs indigènes descendant de la tribu de Reüben. Fermement convaincu de la vérité de cette affirmation, Manassé l’exposa dans son Espérance d’Israël, qu’il écrivit pour préparer les esprits à la venue du Messie.

Pour Manassé, en effet, l’époque de la délivrance était proche bien des indices en faisaient foi. Puisque les menaces des Prophètes contre Israël se sont réalisées avec une si douloureuse précision, on peut légitimement espérer que leurs promesses