Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/179

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aussi s’accompliront. Manassé énumère, dans son livre, une série de martyrs brûlés en Espagne et en Portugal parce qu’ils avaient refusé d’abjurer leur foi. Il signale surtout avec admiration le cas d’un jeune noble chrétien, Don Lope de Fera y Alarcon, qui s’était converti au judaïsme, avait pris le nom de Juda a le croyant D et confessé avec courage ses nouvelles convictions. Incarcéré pendant plusieurs années, il était monté ensuite sur le bûcher (25 juillet 1644).

C’est sous l’impression de ces atrocités de l’Inquisition que Manassé écrivit son Espérance d’Israël, où il affirme l’existence des dix tribus à laquelle il rattache l’espoir de la prochaine délivrance. Il remit ensuite ce traité, en langue latine, à un haut personnage de l’Angleterre pour le communiquer au Parlement et au conseil d’État. Il y ajouta un mémoire où il essayait de prouver qu’avant de pouvoir retourner dans leur pays d’origine, les Juifs devaient être disséminés d’un bout de la terre à l’autre. Or, comme l’Angleterre se trouvait, à ses yeux, sur les confins septentrionaux du monde habité, il lui paraissait indispensable de les ramener dans cette contrée. Il sollicita donc le conseil d’État et le Parlement d’autoriser les Juifs à se rendre en Angleterre, d’où ils étaient exclus depuis trois siècles, à y pratiquer librement leur religion et à y élever des synagogues (1650). Manassé ne cachait nullement ses espérances messianiques, car il savait que les saints ou puritains formaient des vœux pour le retour élu peuple de Dieu dans son ancienne patrie et étaient tout disposés à l’y aider.

Les prévisions de Manassé semblèrent se réaliser, car sa requête fut accueillie favorablement par le Parlement. Lord Middlesex lui envoya même une lettre de remerciements avec cette suscription : À mon cher frère, au philosophe hébreu Manassé ben Israël. Sur ces entrefaites, la guerre éclata entre l’Angleterre et la Hollande, et Manassé vit de nouveau s’éloigner comme un mirage le but qu’il poursuivait. Mais, quand Cromwell eut dissous le Long Parlement, pour s’emparer du pouvoir (avril 1653), et qu’il eut manifesté la volonté de conclure la pais avec les États généraux des Pays-Bas, Manassé se remit à l’œuvre. Du reste, le nouveau Parlement convoqué par Cromwell était composé de prédicateurs