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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/184

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décrets promulgués contre eux au XIIIe siècle. D’autres pamphlétaires suivirent l’exemple de Prynne. Probablement à l’instigation de Cromwell, Thomas Collier réfuta les assertions de Prynne dans un opuscule qu’il dédia au Protecteur.

Pendant qu’on discutait avec vivacité cette question en Angleterre, le gouvernement hollandais témoigna son mécontentement au sujet de l’entreprise poursuivie par Manassé ben Israël. Il craignait que ce dernier ne cherchât à faire partir les Juifs d’Amsterdam, avec leurs capitaux, pour Londres. Hais Manassé put prouver sans peine que ses efforts tendaient à ouvrir l’Angleterre, non pas à ses coreligionnaires de Hollande, qui jouissaient d’une grande liberté, mais aux malheureux Marranes d’Espagne et de Portugal.

Cet asile s’ouvrait pourtant moins facilement que ne l’avait espéré Manassé. Les préoccupations intérieures et extérieures ne laissaient pas à Cromwell assez de loisirs pour prêter un concours efficace au rabbin d’Amsterdam, et les adversaires des Juifs déployaient beaucoup d’activité. Les compagnons de Manassé, découragés, repartirent pour la Hollande, et des Marranes, qui s’étaient enfuis du Portugal pour l’Angleterre, s’arrêtèrent en route pour se fixer ensuite en Italie et à Genève.

Sur le conseil d’une haute personnalité, Manassé se décida alors à publier une nouvelle défense des Juifs, où il exposa, pour les réfuter, diverses accusations dirigées contre ses coreligionnaires. Cet écrit, sous forme de lettre, répond aux points suivants : usage du sang chrétien à la fête de Pâque ; blasphèmes contre le Christ dans les prières ; injures contre les chrétiens ; culte idolâtre rendu aux rouleaux de la Tora. Ce plaidoyer est peut-être la meilleure œuvre de Manassé, qui y déploie une chaleur entraînante et une profonde conviction. Le ton en est d’une touchante tristesse. Je verse des larmes amères et j’éprouve une douloureuse angoisse quand j’entends les chrétiens lancer une aussi épouvantable accusation contre les pauvres et malheureux Juifs, auxquels ils reprochent d’assassiner des chrétiens pour faire usage, à la fête de Pâque, de leur sang, qu’ils mêleraient aux pains azymes. Manassé consacre la plus grande partie de son plaidoyer à la réfutation de cette odieuse calomnie, reproduite