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il partit pour Amsterdam et professa ouvertement le judaïsme (vers 1666). Il se vengea de ses anciens persécuteurs en publiant contre le christianisme un livre de vive polémique, qu’un théologien hollandais, Van Limborch, crut devoir réfuter.

Tous ces savants et ces poètes connaissaient les attaques de Spinoza contre le judaïsme et avaient probablement lu son Traité théologico-politique. Isaac Orobio avait même été en relations avec lui. Mais aucun d’eux ne se sentit ébranlé dans ses convictions par les arguments du philosophe hollandais. Au début, Orobio de Castro crut inutile de répondre aux objections faites par Spinoza contre le judaïsme. Hais plus tard, il craignit quand même qu’elles n’eussent des conséquences funestes pour la foi de ses coreligionnaires, et il se décida à les réfuter.

À cette même époque, surgit en Orient un homme qui fut bien plus dangereux pour le judaïsme que Spinoza et fit passer comme un vent de folie sur les Juifs de tous les pays. Cet homme, qui excita un vrai délire d’enthousiasme parmi ses coreligionnaires, qui fut presque adoré comme un Dieu et a, aujourd’hui encore, des partisans secrets, s’appelait Sabbataï Cevi (1626-1676) et était né à Smyrne, dans une famille d’origine espagnole. Il n’avait en lui rien d’extraordinaire et ne devait nullement l’action que, dès sa jeunesse, il exerçait sur ses compagnons, à des facultés remarquables, mais à son extérieur séduisant et à l’influence néfaste de la Cabale. Grand, de stature imposante, il avait une belle barbe noire et une voix mélodieuse qui lui attirait toutes les sympathies. Son imagination le poussait aux extravagances et aux aventures, il avait le goût de ce qui est étrange, extraordinaire. Peu versé dans le Talmud, il s’adonnait avec ardeur à l’étude de la Cabale. Encore enfant, Sabbataï Cevi se singularisait déjà, dédaignant les jeux et les distractions de son âge et recherchant la solitude. Une autre anomalie, surtout en Orient, était qu’il avait des mœurs très austères. Selon la coutume du pays, ses parents le marièrent jeune, mais il se tint si résolument éloigné de sa femme que celle-ci demanda le divorce. Second mariage, nouveau divorce. Ces singularités attirèrent l’attention sur lui, et à l’âge de vingt ans il était déjà entouré d’un cercle de disciples.