Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/221

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son exemple fut suivi par beaucoup de ses anciens coreligionnaires, qui se firent également mahométans. Peu à peu on s’habitua à ces apostasies, et on disait simplement de ceux qui avaient renié leur foi qu’ils avaient pris le turban. II se forma ainsi un groupe considérable de Judéo-Turcs autour de Sabbataï.

Une des plus importantes recrues faites à cette époque par Sabbataï fut Abraham Miguel Cardoso. Né de parents marranes, Miguel étudia la médecine, à Madrid, avec son frère aisé Fernando. Nais, tandis que Fernando s’adonnait sérieusement à ses études, Miguel passait son temps dans une molle oisiveté, donnant des sérénades sous le balcon des jolies Madrilènes et menant une vie de distractions et de plaisirs. Par amour pour le judaïsme. Fernando, qui avait acquis rapidement en Espagne la réputation d’un habile médecin et d’un remarquable savant, émigra à Venise pour revenir à la religion de ses pères. Miguel l’y suivit, retourna également au judaïsme, mais continua son existence oisive et déréglée.

Tout à coup, ce viveur se métamorphosa en ! ta ardent Kabbaliste. à se déclara partisan de Sabbataï, affirmant qu’il avait fréquemment des visions. Loin de se laisser décourager par l’apostasie du faux Messie, il proclamait que cette apostasie avait été nécessaire, parce que le Messie devait commettre ce péché pour expier le crime d’idolâtrie dont Israël s’était rendu si souvent coupable. Les prédictions d’Isaïe relatives au peuple élu et à sa résurrection, que les chrétiens appliquent à Jésus, Miguel les rapportait à Sabbataï. Son frère Isaac eut beau railler ses divagations et ses extravagances cabalistiques et lui demander ironiquement si c’est en jouant de la harpe sous les fenêtres de ses belles qu’il avait acquis le don de prophétie, il n’en persista pas moins dans sa folie. Pour convaincre son frère de la haute valeur de ses nouvelles croyances, il lui citait des passages du Zohar et d’écrits analogues ; il pensait ainsi prouver que Sabbataï était vraiment le Messie. Orateur éloquent et écrivain habile, il gagna en Afrique de nombreux adhérents au faux Messie. Il commença ensuite une vie d’aventures, visitant Constantinople, Smyrne, les îles grecques et le Caire, et recourant à des expédients de charlatan pour subvenir aux besoins de sa famille.