Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/230

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trône, vous vous apercevrez que beaucoup de bourgs et de villages, même Lamego et Guarda, ont une très petite population. En cas que vous demandiez pour quelle cause ces localités sont ruinées et leurs manufactures démolies, bien peu oseront vous dire la vérité. C’est l’Inquisition qui a rendu désertes ces villes et appauvri le pays en incarcérant de nombreux habitants.

Le rôle joué dans la Péninsule ibérique à l’égard des Juifs par les dominicains, était rempli dans d’autres pays par les corporations des marchands. Afin de se défaire de concurrents gênants, les commerçants chrétiens aidaient à répandre ou inventaient contre les Juifs ces odieuses calomnies de rapt ou de meurtre d’enfants chrétiens. Ce ne fut certes pas par un pur hasard, mais par suite d’un plan implacablement poursuivi, que des accusations de ce genre se produisirent en même temps à Metz, à Berlin et à Padoue.

Il faut pourtant reconnaître qu’en dépit de ces explosions de haine et de fanatisme la situation des Juifs de ce temps s’était sensiblement améliorée en Europe. Les mœurs étaient devenues plus douces, on commençait aussi à éprouver une certaine bienveillance, mêlée d’admiration, pour ce peuple juif qui avait su défendre sa foi avec une vaillance indomptable et une héroïque fermeté et se maintenir intact au milieu des nations, en dépit des plus violentes persécutions et des outrages les plus odieux. De généreux écrivains plaidaient chaleureusement sa cause, recommandant de le traiter dorénavant avec équité et de lui accorder la place qui lui appartenait. Dans son Accomplissement des prophéties, qu’il composa à Rotterdam (1685), le prédicateur protestant Pierre Jurieu déclarait que le véritable règne de l’Antéchrist consiste dans la persécution cruelle qu’on fait aux Juifs, et que Dieu se réserve cette nation pour faire en elle ses plus grands miracles. Le Danois Oliger Pauli déployait une activité surhumaine et dépensait des sommes considérables afin de rendre possible aux Juifs le retour dans la Palestine. Il envoya des lettres d’un naïf mysticisme à Guillaume III, roi d’Angleterre, et au Dauphin de France pour les intéresser à son projet. Jean-Pierre Speet, d’Augsbourg, né à Vienne de parents catholiques, manifestait un véritable enthousiasme pour les Juifs et