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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/233

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la Frise, Jacob Geusius, à la fois ecclésiastique et médecin, publia deux libelles, Anan et Caïphas échappés de l’enfer, et Sacrifices humains, où il recueillit toutes les calomnies inventées contre les Juifs depuis Apion et Tacite jusqu’à ce Bernard de Feltre qui avait propagé l’histoire du prétendu martyre de l’enfant Simon de Trente. Du moins les Juifs n’étaient-ils plus contraints de subir ces odieuses accusations en silence. Un Juif hollandais répliqua vigoureusement au réquisitoire de Geusiwi. Son ouvrage, intitulé Le Vengeur, s’attachait principalement à faire ressortir que jamais on n’avait pu établir avec certitude un seul meurtre rituel commis par des Juifs, et que, dans les premiers temps du christianisme, les païens avaient accusé les chrétiens de crimes analogues.

Isaac Cardoso, de Vérone, frère du partisan excentrique de Sabbataï Cevi, écrivit aussi un plaidoyer éloquent en faveur de ses coreligionnaires. Dans la Supériorité des hébreux, il montre l’injustice des reproches qu’on leur fait et la grandeur de la mission qu’ils sont chargés de remplir. Le peuple d’Israël, dit-il, aimé de Dieu et haï des hommes, est disséminé depuis deux mille ans parmi les nations, en expiation de ses péchés et de ceux de ses aïeux. Opprimé par les uns, frappé par les autres, méprisé par tous, il a été maltraité et persécuté dans tous les pays. Mais, ajoute Cardoso, si Israël a subi toutes ces souffrances, c’est parce qu’il est le peuple élu, ayant pour mission de répandre la connaissance du Dieu-Un. Il se distingue par trois qualités principales : la compassion, l’esprit de charité et la pureté des mœurs. Obstinément attaché à sa religion, il l’observe, non pas pour des raisons philosophiques, mais parce que Dieu la lui a révélée et que ses ancêtres l’ont toujours pratiquée. Aussi les sages des autres nations admirent-ils sa fidélité à sa foi et ses mœurs austères. Et c’est ce peuple privilégié que Dieu a jugé digne de ses faveurs spéciales et a doué des plus remarquables vertus, ce sont ces hommes pieux et croyants qu’on accuse de crimes épouvantables et auxquels on attribue les plus abominables vices ! Isaac Cardoso s’appuie sur l’histoire pour démontrer la fausseté de ces ridicules inventions.

On n’ajoutait pourtant plus foi aussi facilement aux accusations