Aller au contenu

Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/234

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dirigées contre les Juifs. Le prince Christian-Auguste, comte palatin de Sulzbach, qui avait étudié la langue et la littérature hébraïques et s’était même fait initier aux mystères de la Cabale, probablement par le mystique Knorr de Rosenroth, protégea efficacement les Juifs contre ces calomnies. Lorsque, à deux reprises différentes (en 1682 et en 1692), ils furent accusés d’avoir assassiné un enfant chrétien, il interdit chaque fois, sous la menace d’un châtiment rigoureux, de croire à ces ridicules et sottes inventions, de les propager, d’en parler ou de faire du mal, à cause de ces accusations, à un Juif quelconque.

L’intérêt témoigné par les savants et les princes chrétiens pour la littérature hébraïque aboutissait parfois à des résultats bien bizarres. En Suède, pays fanatiquement protestant, les autorités ne toléraient ni Juifs, ni Catholiques. Et cependant le roi Charles XI manifestait une prédilection marquée pour les Juifs, et surtout pour les Caraïtes. Il espérait que ces derniers, qui rejetaient l’autorité du Talmud, se convertiraient facilement au christianisme. Il confia donc à un professeur de littérature hébraïque d’Upsala, Gustave Peringer de Lilienblad, la mission de se rendre en Pologne (vers 1690) pour s’enquérir des Caraïtes établis dans le pays, étudier leurs mœurs et leurs pratiques, et se procurer leurs livres. Muni de lettres de recommandation pour te roi de Pologne, Peringer alla en Lithuanie, où existaient quelques petites communautés caraïtes. Mais appauvris, désorganisés par les persécutions des Cosaques, les Caraïtes d’alors étaient presque tous des ignorants et savaient peu de chose de leur origine, de leur histoire et de leur littérature. D’autre part, le roi de Pologne, Jean Sobieski, qui avait comme favori un juge caraïte, Abraham ben Samuel de Trok, l’avait chargé, précisément à cette époque, d’engager ses coreligionnaires, fixés principalement à Trok, à Luzk et à Haliez, à se disséminer un peu plus. À la suite de cette invitation, ils avaient pénétré jusque dans la province septentrionale des Samoyèdes. Ainsi répandus par petits groupes, loin de tout centre, et évitant tout rapport avec les rabbins, les Caraïtes étaient réduits à n’entretenir de relations qu’avec les paysans, dont ils s’assimilèrent peu à peu les habitudes et la lenteur d’esprit.