Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/24

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d’habitude à la foire du printemps, à Francfort, avec des ballots de marchandises. Pfefferkorn émit la prétention de mettre également sous séquestre tous ces livres neufs, mais le Sénat s’y opposa. Du reste, en prévision d’une menace de confiscation, ces marchands s’étaient fait délivrer par les princes et seigneurs de leurs pays des sauf-conduits garantissant leur personne et leurs biens. L’archevêque Uriel aussi ne prêta qu’un très faible appui à Pfefferkorn, évitant de convoquer les savants désignés par l’empereur pour examiner les ouvrages hébreux et montrant, en général, une très grande mollesse. Il semble même que plusieurs princes, éclairés par les Juifs sur la vraie signification de la confiscation de leurs livres, firent des démarches en leur faveur auprès de Maximilien. Enfin, le peuple se déclara également contre Pfefferkorn.

Dans l’espoir de gagner l’opinion publique à leur cause et de réussir à exercer par elle une pression morale sur l’empereur, les dominicains avaient, en effet, publié, sous le nom de Pfefferkorn, un nouveau pamphlet contre les Juifs. Cet écrit, intitulé : À la gloire de l’empereur Maximilien, encensait sans vergogne le souverain et déplorait en même temps qu’on accordât si peu d’importance, dans les milieux chrétiens, aux accusations dirigées contre le Talmud. Ce fut peine perdue. On resta, en général, hostile à l’entreprise des obscurants. Maximilien revint même en partie sur ses premiers ordres et invita le Sénat de Francfort à restituer aux Juifs tous leurs livres (23 mai 1510). La joie fut grande parmi les Juifs, car ils avaient maintenant l’espoir non seulement de rester en possession de leurs ouvrages religieux, qui leur étaient si chers, mais aussi de conserver la situation qu’ils occupaient dans l’empire germano-romain.

Il se produisit malheureusement un incident, à ce moment, dont les dominicains surent tirer grand profit pour leur cause. Un ciboire avec un ostensoir doré avait été volé dans une église de la Marche de Brandebourg. Le coupable, arrêté, prétendit avoir vendu l’hostie à des Juifs de la contrée. Ceux-ci furent alors cruellement persécutés par l’évêque de Brandebourg, et le prince-électeur Joachim Ier fit transporter les inculpés à Berlin. Là, on les accusa à la fois de profanation d’hostie et de meurtre d’enfant. Sur l’ordre