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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/25

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de Joachim, trente-huit de ces malheureux furent torturés sur un gril ardent. Tous subirent le martyre avec un merveilleux courage (19 juillet 1510), à l’exception de deux, qui acceptèrent le baptême et furent simplement décapités. C’est à l’occasion de ce douloureux événement qu’il est question, pour la première fois, de la présence des Juifs à Berlin et dans le Brandebourg.

Cette affaire causa une profonde émotion en Allemagne, et les dominicains ne manquèrent pas de s’en servir contre les Juifs auprès de l’empereur. Celui-ci eut, du reste, à soutenir un véritable assaut de la part de sa sœur Cunégonde. Les dominicains avaient, en effet, fait accroire à cette princesse dévote qu’en revenant sur ses premières déterminations à l’égard des Juifs Maximilien semblait, en quelque sorte, approuver leurs plus horribles crimes et leurs blasphèmes contre le christianisme. Aussi, lors de son entrevue avec son frère, à Munich, Cunégonde se jeta à ses pieds, pleura et le supplia de ne plus couvrir les Juifs de sa protection.

Maximilien était perplexe. Opposer un refus formel aux sollicitations de sa sœur, c’était l’affliger profondément, mais, d’un autre côté, il commençait à se défier de Pfefferkorn et de ses agissements. Il se tira d’embarras par une sorte de compromis. Pour la quatrième fois, il prit un arrêté (6 juillet 1510) relativement à la confiscation des livres hébreux. En vertu de cette nouvelle décision, l’archevêque Uriel devait demander des mémoires sur cette question à certaines Universités d’Allemagne, ainsi qu’à Reuchlin, Victor de Karben et Hochstraten, et Pfefferkorn était chargé de transmettre à l’empereur les conclusions de ces mémoires.

Heureusement pour les Juifs, qui attendaient avec anxiété le résultat final des travaux de tous ces savants, Reuchlin se prononça contre la suppression du Talmud. Son mémoire était écrit, il est vrai, dans un style lourd et pédant, à la mode du temps, mais il sut exposer le sujet avec habileté. Il part de ce principe qu’il serait injuste d’accorder à tous les ouvrages juifs la même importance et la même valeur et qu’il faut les répartir, outre la Bible, en six classes. Selon lui, la classe des commentaires bibliques composés par R. Salomon (Raschi), Ibn Ezra, les Kimhides, Moïse Gerundi et Lévi ben Gerson, comprend des ouvrages qui, loin d’être nuisibles au christianisme, sont indispensables aux