Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/244

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cette histoire. On cite pourtant trois chroniqueurs juifs de ce temps : David Conforte (1619-1671) ; Miguel ou Daniel de Barrios, Marrane portugais qui revint au judaïsme à Amsterdam (mort en 1701), et enfin le rabbin polonais Yehiel Heilperin, de Minsk (mort vers 1747). Mais les œuvres de ces trois écrivains ressemblent à celles de ces moines des temps barbares qui racontent les faits dans une sèche et rebutante nomenclature, plutôt qu’à de vrais ouvrages historiques.

D’autres livres parurent, en très grand nombre, dans la période qui va de Baruch Spinoza à Mendelssohn. Mais c’était, le plus souvent, du simple verbiage : des commentaires rabbiniques d’une subtilité raffinée, des sermons et des livres d’édification prolixes et ennuyeux, des polémiques venimeuses. Cette époque produisit pourtant deux poètes juifs d’un remarquable talent, qui vécurent dans des régions bien éloignées l’une de l’autre, Laguna dans l’île de la Jamaïque, et Luzzato en Italie.

Lopez Laguna, né en France, vers 1660, d’une famille marrane, s’était rendu dans sa jeunesse en Espagne, où l’Inquisition l’avait jeté dans un cachot. Dans ses heures d’angoisse, il avait puisé la résignation et l’espérance dans la lecture des Psaumes. Lorsqu’il eut reconquis la liberté et se fut fixé dans la Jamaïque, il résolut de rendre les Psaumes également accessibles aux Marranes qui ne comprenaient pas l’hébreu ; il les traduisit donc fidèlement, sous le nom juif de Daniel Israël, dans de beaux et mélodieux vers espagnols. Quand il arriva à Londres avec cette traduction, qu’il avait intitulée Miroir de la vie, plusieurs rimailleurs et aussi trois poétesses juives, Sara de Fonseca Pinto y Pimentel, Manuela Nunez de Almeida, et Bienvenida Coen Belmonte, lui exprimèrent leur admiration dans des poésies latines, anglaises, portugaises et espagnoles.

Moïse Hayyim Luzzato, troublé par les excentricités messianiques de ce temps, était un poète plein de feu. Il composa deux drames hébreux d’une belle harmonie et d’une exquise fraîcheur dont il sera parlé plus loin.

En dehors de ces deux poètes, le judaïsme de ce temps ne produisit aucun écrivain de valeur. La moralité des Juifs aussi laissait alors à désirer. Sans doute, ils continuaient de se distinguer par