Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/245

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les vertus fondamentales de la race : l’amour de la famille, l’esprit de solidarité et la pureté des mœurs. On rencontrait rarement chez eux des débauchés ou des criminels ; les plus mauvais abandonnaient ordinairement le judaïsme pour se faire chrétiens ou musulmans. Mais, en général, le sentiment de la justice et de l’honneur était affaibli parmi les Juifs. Les circonstances leur imposaient alors la nécessité de gagner de l’argent avec une telle urgence qu’ils ne se montraient pas toujours suffisamment scrupuleux sur la manière de le gagner. Non seulement on aimait l’argent, mais on en respectait les détenteurs, même s’ils l’avaient acquis par des moyens peu honnêtes. Aussi les communautés plaçaient-elles à leur tête, non pas les plus dignes, mais les plus riches. Une satire de ce temps s’élève avec indignation contre cette toute-puissance de la fortune : C’est le florin, dit-elle, qui lie et qui délie, c’est le florin qui fait confier aux ignorants la direction des communautés.

Si les Juifs montraient alors une telle déférence pour les gens riches, la cause en était, en partie, à la grande pauvreté dont ils souffraient. À cette époque, un ne trouvait quelques rares capitalistes que parmi les Juifs portugais d’Amsterdam, de Hambourg, de Livourne, de Florence et de Londres. Quand Guillaume de Hollande entreprit sa campagne aventureuse pour conquérir la couronne d’Angleterre, Isaac (Antonio) Suasso lui avança sans intérêt deux millions de florins, sans exiger la moindre garantie : Si vous réussissez, lui dit-il, vous me restituerez mon argent, si vous échouez, je le perdrai. Un autre Juif d’Amsterdam, Francisco Nello, rendit de grands services à la Hollande par ses capitaux. Un membre de la famille de Pinto laissa plusieurs millions pour des œuvres de bienfaisance ; il fit des legs à des communautés juives, à l’État, à des orphelinats chrétiens, à des ecclésiastiques, des sacristains et des sonneurs de cloches. À Hambourg demeuraient alors les Texeira et Daniel Abensur, qui prêta des sommes élevées au roi de Pologne. Salomon de Medina, de Londres, compagnon habituel du général Churchill, duc de Marlborough, que la reine Anne avait nommé chevalier, possédait également une fortune considérable.

Par contre, en Allemagne, en Italie et en Orient, les Juifs