Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/247

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jeûnant pendant plusieurs jours consécutifs et en s’imposant les plus dures mortifications. Il prêcha sur la nécessité de faire pénitence et de mener une vie de contrition, en Hongrie, en Moravie et en Bohème. Encouragé par le succès de ses prédications, il se fit bientôt passer pour prophète. Il affirmait que Sabbataï Cevi était le vrai Messie, qu’il avait obéi aux exigences de sa mission divine en embrassant l’islamisme et que, trois ans après sa mort apparente (car il n’était pas mort réellement), il reviendrait pour délivrer définitivement son peuple. Devant le nombre croissant de ses auditeurs et la confiance aveugle qu’ils lui témoignaient, il résolut de se présenter lui-même comme le vrai Messie de la maison de David : il déclarait être Sabbataï Cevi ressuscité.

La réputation du Messie hongrois se répandit au loin. Il fut sollicité de venir en Italie. À Modène et à Reggio, on l’accueillit avec enthousiasme. Il fit alors part de son projet de se rendre à Rome, la ville impie, pour y affirmer l’arrivée définitive du Messie, et, en même temps, il laissa entendre qu’il serait peut-être obligé de se déguiser en chrétien, comme Sabbataï s’était déguisé en Turc. Il semblait donc tout disposé à accepter Ie baptême. Les protestations des Juifs italiens qui avaient conservé leur sang-froid, et qui craignaient les conséquences dangereuses de ce mouvement, furent étoupées sous les cris d’enthousiasme des sectaires. Pourtant, les amis du Messie eux-mêmes commencèrent à redouter pour lui l’ombrageuse Inquisition, et ils lui conseillèrent de partir de l’Italie. Il traversa la Bohème et arriva en Pologne. Là, ses partisans s’accrurent rapidement, et il fonda une secte qui se maintint jusqu’au commencement des temps modernes.

Vers la même époque, un nouveau mouvement messianique se produisit en Turquie. Sabbataï Cevi avait laissé une veuve. Celle-ci se rendit à Salonique, où elle fit passer son frère Jacob pour un fils qu’elle aurait eu de Sabbataï. Ce jeune homme, qui avait pris le nom de Jacob Cevi, devint l’objet d’une profonde vénération de la part des anciens adhérents de Sabbataï ; ils lui donnèrent le surnom de Querido (le favori). Il passa bientôt pour réunir en lui les âmes des deux Messies attendus, celui de la maison de Joseph et celui de la maison de David, et il fut considéré, par conséquent,