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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/26

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théologiens chrétiens. C’est aux sources juives que les savants chrétiens ont puisé les éléments de leurs meilleures explications bibliques, ce sont les œuvres juives qui leur ont permis de comprendre les livres sacrés. Si, dans les écrits de Nicolas de Lyre, le meilleur commentateur chrétien de la Bible, on défalque les emprunts faits à Raschi, on peut réduire toute son œuvre personnelle à quelques pages. Au reste, il est honteux que, par ignorance de l’hébreu et du grec, des docteurs de la théologie chrétienne interprètent faussement les saintes Écritures. Les ouvrages hébreux qui traitent de philosophie, d’histoire naturelle ou d’autres sciences, ne se distinguent en rien des ouvrages analogues écrits en grec, en latin ou en allemand. Quant au Talmud, objet principal des dénonciations de Pfefferkorn, Reuchlin avoue n’y rien comprendre. Mais, ajoute-t-il, d’autres aussi n’y comprennent absolument rien et se permettent pourtant de condamner sévèrement ce livre. C’est comme si un ignorant quelconque s’avisait d’écrire contre les mathématiques sans les avoir jamais étudiées. Il conclut en s’élevant contre le projet de brûler le Talmud, à supposer même que cet ouvrage contienne, entre beaucoup d’autres choses, des injures contre les fondateurs du christianisme. Si le Talmud était vraiment aussi nuisible qu’on le prétend, dit-il, nos aïeux, dont l’attachement à la foi chrétienne était plus sincère que le nôtre, l’auraient brûlé depuis longtemps. Si les Juifs convertis Peter Schwarz et Pfefferkorn tiennent à le détruire, c’est qu’ils y sont poussés par des raisons toutes particulières. n Pour terminer, Reuchlin déclarait qu’au lieu de confisquer ou de brûler les livres des Juifs, il serait plus utile de pommer à chaque Université deux professeurs d’hébreu, qui enseigneraient également la langue post biblique. On amènerait ainsi bien plus facilement les Juifs au christianisme.

Jamais, depuis qu’ils étaient persécutés par les chrétiens, les Juifs n’avaient encore trouvé un défenseur aussi énergique que Reuchlin. Son plaidoyer en leur faveur était d’autant plus important qu’il se présentait sous la forme d’un document officiel, destiné au chancelier et à l’empereur. Sur deux points surtout, les déclarations de Reuchlin avaient une réelle valeur pour les Juifs. Ainsi, il n’hésitait pas à affirmer que les Juifs étaient citoyens de