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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/258

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et les hérésies qu’elles propageaient. Il se trouva pourtant, à ce moment, un rabbin très considéré qui se lia avec les Sabbathiens, leur accorda son appui et provoqua une lutte qui troubla encore plus profondément le judaïsme de ce temps. Ce rabbin, dont il a été déjà question, fut Eibeschütz.

Jonathan Eibeschütz ou Eibeschützer (né à Cracovie en 1690 et mort à Hambourg en 1764) était originaire d’une famille de cabalistes. Doué d’une pénétrante sagacité et d’une mémoire prodigieuse, il se distingua, dès sa jeunesse, par l’étendue et la solidité de ses connaissances talmudiques. Mais la Cabale aussi l’intéressa, et, pendant son séjour à Prague, il manifesta une vive sympathie pour Néhémia Hayon. Il s’aventura aussi à lire les écrits de Cardoso, quoiqu’ils eussent été déclarés hérétiques à la fin, il se rallia à cette idée, qui est un des fondements de la doctrine sabbathienne, que le Dieu Tout-Puissant, la cause première, n’a aucune relation avec l’univers, et que c’est une deuxième divinité, appelée le Dieu d’Israël, lui a créé le monde et révélé la Loi du Sinaï. Eibeschütz semble même avoir accepté cette autre croyance des Sabbathiens que Sabbataï Ceci, le Vessie, avait été l’incarnation de cette deuxième divinité, et que son apparition sur la terre devait avoir pour résultat l’abolition de la Tora

Eibeschütz n’osa pourtant pas conformer sa conduite à ses opinions. Il était trop prudent et craignait trop la lutte pour rompre ouvertement avec le judaïsme rabbinique et se déclarer adversaire du Talmud, comme l’avaient fait de nombreux Sabbathiens polonais. D’ailleurs, il aimait réellement la littérature talmudique, qui lui permettait de déployer sa force de dialectique et sa subtilité d’esprit, et où sa compétence et son autorité étaient si grandes. À l’âge de vingt et un ans, il était à la tête d’une école talmudique par laquelle passèrent successivement plusieurs milliers d’élèves. Il savait, en effet, rendre son enseignement attrayant par son ardeur communicative, l’imprévu de ses saillies et l’originalité de ses interprétations. Ce fut en faveur des services rendus par son école et de l’autorité dont il jouissait, qu’il ne fut pas excommunié en même temps que les autres Sabbathiens, avec lesquels on le savait en étroites relations.

Cependant, ces relations ne lui furent pas entièrement pardonnées.