Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/261

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avaient encore leur propre juridiction civile, ils avaient besoin d’un rabbin qui fût familiarisé avec les lois rabbiniques, et, sous ce rapport, Eibeschütz leur convenait infiniment mieux que tout autre. Mais on eût dit qu’avec lui un mauvais esprit était entré à Altona (septembre 1750), car, après soit arrivée, un vent de discorde souffla, non seulement sur les Trois Communautés, mais sur tous les Juifs d’Allemagne et de Pologne. Mais, s’il est vrai qu’il fut le principal coupable, la responsabilité de ces troubles ne lui appartient pourtant pas tout entière.

Au moment où il fut nommé rabbin des Trois Communautés, il y régnait une vraie panique. Dans l’espace d’un an, nombre de jeunes femmes étaient mortes en couches. Aussi attendait-on avec une vive impatience l’arrivée du nouveau rabbin, parce qu’on espérait qu’il réussirait à mettre en fuite l’ange exterminateur qui avait déjà fait tant de victimes. À cette époque, tout rabbin était un peu considéré comme un magicien qui sait préserver de tous les maux ; mais on attendait encore bien plus de Jonathan Eibeschütz, talmudiste célèbre et thaumaturge avéré. Celui-ci ne pouvait pas ne pas essayer de calmer ces craintes. Il écrivit donc des amulettes et usa d’autres jongleries pour guérir les malades. Il avait, du reste, déjà distribué des amulettes analogues à Metz.

Tout à coup, le bruit se répandit à Altona que l’inscription des amulettes d’Eibeschütz avait un caractère hérétique. On en ouvrit alors une et l’on y trouva les mots suivants : Ô Dieu d’Israël, toi qui demeures dans la gloire de ta puissance (expression cabalistique), en faveur du mérite de ton serviteur Sabbataï Cevi, daigne envoyer la guérison à cette femme, afin que ton nom et celui du Messie Sabbataï Cevi soient sanctifiés sur la terre. Les lettres de certains mots étaient transposées, ou une lettre était parfois mise pour une autre, mais il n’était pas difficile de trouver la clef de ces rébus.

Il y avait alors à Altona un rabbin qui n’exerçait pas de fonctions officielles, mais qui jouissait d’une certaine considération : c’était Jacob Emden, [Ils de Cevi Aschkenazi. Lorsqu’il eut connaissance de ces amulettes, il en conclut que Jonathan Eibeschütz continuait d’être affilié à l’hérésie sabbathienne. Il hésita d’abord à entrer en lutte avec un talmudiste dont l’autorité était si