Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/262

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grande et dont les disciples, au nombre de plusieurs milliers, occupaient partout des situations influentes comme rabbins, administrateurs ou hommes privés. Pourtant, cette affaire lui paraissait trop grave pour qu’il pût garder le silence. Il proclama donc, dans la synagogue établie dans sa maison, le contenu des amulettes distribuées par Eibeschütz et il accusa ouvertement l’auteur de cette inscription d’hérésie sabbathienne. Il ajouta que ce n’était peut-être pas Eibeschütz qui avait rédigé cette formule, mais qu’il était trop compromis pour ne pas devoir des explications publiques à sa communauté. Froissés par cette mise en demeure d’Emden, les administrateurs des Trois Communautés prirent le parti de leur rabbin et intimèrent à son dénonciateur l’ordre de quitter la ville. Emden, qui était autorisé, par un privilège royal, à diriger une imprimerie à Altona, refusa d’obéir. Soumis alors à toute sorte de vexations et de persécutions, il s’exaspéra de plus en plus dans cette lutte inégale. Il était sur le point de succomber, quand on envoya de Metz des amulettes qu’Eibeschütz reconnaissait avoir écrites et distribuées, et où Sabbataï Cevi était explicitement reconnu comme le Messie.

La querelle recommença plus violente et prit une extension considérable. En Allemagne comme en Pologne, on discuta vivement la question des amulettes, et bien des communautés se divisèrent en deux camps. Au synode des Quatre-Pays, en Pologne, on en vint presque aux mains. Partisans et adversaires s’excommuniaient réciproquement. On ne craignit même pas de faire appel à l’intervention du roi de Danemark, Frédéric V, qui fut informé des agissements des administrateurs à l’égard de Jacob Emden, et à qui on soumit une traduction allemande, dûment légalisée, de la formule incriminée. Le roi infligea une amende aux administrateurs et enjoignit à Eibeschütz de se justifier de l’accusation d’hérésie portée contre lui. Celui-ci réussit à modifier en sa faveur les dispositions du roi, qui défendit alors (février 1753) de continuer les discussions relatives aux amulettes et confirma Eibeschütz dans ses fonctions de rabbin.

Pour obtenir ce résultat, Eibeschütz s’était servi de moyens que beaucoup de ses partisans mêmes désapprouvèrent. D’anciens administrateurs, autrefois ses amis, se déclarèrent contre