Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/266

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On apprit ainsi bien des faits qui éclairèrent d’un triste jour la situation morale de certaines communautés de la Pologne. Devant le collège rabbinique de Satanov, des hommes et des femmes confessèrent publiquement que, conformément aux enseignements qu’on leur avait inculqués au nom de la Cabale, ils s’étaient livrés à des actes d’une répugnante immoralité.

À la suite de ces aveux, les Frankistes furent frappés d’un sévère anathème par les rabbins de Brody (1756) : il fut défendu aux Juifs orthodoxes de s’allier à eux, leurs enfants étaient déclarés adultérins, et les suspects même ne pouvaient ni exercer de fonctions religieuses, ni enseigner dans une école. Tout Juif était tenu de dénoncer les Sabbathiens qu’il connaîtrait. Cette formule d’excommunication, adoptée par plusieurs communautés, fut imprimée, distribuée, et devait être lue chaque mois dans les synagogues. Elle contenait un article très important. Dorénavant, l’étude du Zohar ou de tout autre ouvrage cabalistique était défendue avant l’âge de trente ans. Les rabbins avaient enfin reconnu que, surtout depuis Isaac Louria, la Cabale avait infecté le judaïsme de son poison. Cette constatation venait malheureusement trop tard ; le mal était fait. En même temps, le synode de Constantinov demanda à Jacob Emden, qui, par sa lutte avec Eibeschütz, était devenu le champion de l’orthodoxie, d’envoler en Pologne un Juif portugais instruit et habile orateur, qui pût faire ressortir devant les autorités et les ecclésiastiques polonais le côté immoral et dangereux des pratiques des Frankistes.

En présence de l’action malfaisante que la Cabale avait exercée sur les Juifs, Emden se demanda si le Zohar, placé par les Sabbathiens et les anti-talmudistes au-dessus de la Bible, et invoqué pour justifier leurs dérèglements et leurs blasphèmes, avait eu réellement pour auteur un docteur estimé et vénéré comme Simon ben Yohaï. Après une étude minutieuse, il arriva à cette conclusion qu’une partie, au moins, de ce livre était due à un imposteur.

Forts de l’approbation d’Emden. qu’ils avaient également consulté sur ce point, les rabbins orthodoxes prirent des mesures très sévères contre les Frankistes et ne craignirent pas de les dénoncer au clergé catholique comme de dangereux hérétiques. L’évêque de Kamieniec, Nicolas Dembowski, paraissait tout