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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/267

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disposé à les châtier avec rigueur. Mais Frank fut assez habile pour écarter le danger dont lui et ses partisans étaient menacés. Sur ses conseils, ses adeptes déclarèrent qu’on les persécutait parce qu’ils croyaient à la Trinité et rejetaient les prescriptions talmudiques. Ils altèrent même jusqu’à répéter cette infâme calomnie que les sectateurs du Talmud se servaient de sang chrétien et que le Talmud prescrivait le meurtre des chrétiens. Enchantés de ces déclarations, Dembowski et son chapitre firent remettre tous les Frankistes en liberté, les autorisèrent à s’établir dans le diocèse de Kamieniec et à vivre conformément à leurs usages, et eurent soin d’attiser leur haine contre les partisans du Talmud. Ils espéraient amener ainsi beaucoup de Juifs polonais au catholicisme.

Non contents de ce premier succès, les Frankistes demandèrent à l’évêque Dembowski (1757) de convoquer les talmudistes et les anti-talmudistes à une controverse publique. Ils promettaient de prouver que le Zohar et d’autres écrits enseignent la Trinité, et que le Talmud prescrit de tromper et de tuer les chrétiens. Le prélat donna suite à cette proposition. Il invita les rabbins à envoyer des délégués à Kamieniec pour prendre part à un colloque sur le Talmud, les menaçant de faire brûler cet ouvrage comme antichrétien et de leur infliger une forte amende s’ils ne se présentaient pas (1757). Ce fut en vain que les Juifs polonais invoquèrent leurs privilèges et firent intervenir la noblesse. Dembowski tint bon. Ignorants de tout ce qui n’était pas la littérature talmudique, timides, troublés, ne parlant qu’un mauvais jargon, les délégués juifs purent alors juger par eux-mêmes combien il était important de posséder une culture générale, et déplorable que les rabbins polonais en eussent toujours été les adversaires. Aux imputations audacieuses des Frankistes, ils ne surent opposer que le silence ou des réponses embarrassées. Dembowski donna gain de cause aux Frankistes. Par un mandement public (14 octobre 1757), il fit savoir que les anti-talmudistes, ayant démontré la vérité de leurs croyances, étaient autorisés à soutenir partout des controverses contre les talmudistes. Puis, avec l’aide de la police, il ordonna dans son diocèse la saisie de tous les exemplaires du Talmud, qui furent entassés dans une fosse et brûlés de la main