Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/270

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ambition et jouer le rôle d’un chef de secte. Bientôt, plusieurs de ses partisans, achetés par le clergé, le trahirent. Ils l’accusèrent de n’être chrétien qu’en apparence et de se faire adorer comme le Messie, l’incarnation de la divinité, le saint Seigneur. L’official de l’Inquisition polonaise le fit alors arrêter pour imposture et blasphème et enfermer dans la forteresse de Czenstochow, dans un cloître (1760). Si on ne le brûla pas comme relaps, ce fut tout simplement parce que le roi était son parrain, niais on lui imposa les travaux les plus pénibles. Bien des Frankistes furent réduits à la mendicité et eurent à subir le mépris et les outrages de la population, mais ils restèrent fidèles à leur Messie. À leurs yeux, tous leurs malheurs devaient fatalement arriver : le Zohar l’avait prédit. Ils appelèrent le cloître de Czenstochow, où était détenu leur chef, la porte de Rome. Tous ces convertis pratiquaient extérieurement le catholicisme, en observaient tous les rites, mais, comme leurs collègues musulmans, les Donmèh, ils vivaient séparés des autres habitants et ne se mariaient qu’entre eux. Encore aujourd’hui, les familles Wolowski, Dembowski, Dzalinski et autres, qui descendent de ces sectaires, sont connues en Pologne sous le nom de Frenks ou Sckebs.

Après une détention de treize ans, Frank fut délivré par les Russes (1771) ; il se fit catholique grec et joua encore pendant plus de vingt ans à Vienne, à Brünn et à Offenbach, son rôle de mystificateur. À la fin, il présenta sa fille Ève comme l’incarnation de la divinité, et jusqu’à sa dernière heure, et même au delà de la tombe, il sut en imposer à ses adhérents et les faire croire au caractère messianique de sa mission.

Jonathan Eibschütz eut sa part de responsabilité dans ces tristes événements. Revendiqué par les Frankistes comme un des leurs, il ne se risqua jamais à les démentir. Lorsqu’il fut sollicité par ses coreligionnaires de Pologne de les appuyer de son autorité pour repousser l’odieuse accusation de meurtre rituel, il garda le silence, comme s’il avait craint d’irriter les Zoharites par son intervention. Son plus jeune fils, Wolf, eut d’étroites relations avec le frankiste Salomon Schor Wolowski, s’adonna à l’alchimie, mena une existence de grand seigneur, promit à la cour d’Autriche de se convertir pour obtenir le titre de baron d’Adlersthal,