Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/296

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Bénie soit la Providence, dit-il, qui a daigné prolonger ma vie jusqu’à ce temps heureux où l’on commence enfin à comprendre les droits de l’humanité ! Pourtant, de crainte que la réforme politique des Juifs, inspirée par la plus noble pensée, ne prêtât à certains malentendus, il crut nécessaire de rompre le silence pour compléter et, sur quelques points, rectifier les arguments de Dohm. Il chargea donc un de ses jeunes amis, le médecin Marcus Herz, de traduire de l’anglais le fameux mémoire de Manassé ben Israël, où se trouvaient réfutées les nombreuses accusations produites sans cesse contre les Juifs, et il fit précéder cette traduction d’une remarquable préface (mars 1782).

Une pensée exprimée dans cette préface frappa vivement les lecteurs chrétiens. Mendelssohn y déclarait, en effet, que la religion n’a pas le droit d’agir par contrainte. C’était là une attaque directe contre les procédés de l’Église, qui n’avait cessé d’employer contre les hérétiques et les mécréants l’anathème, le cachot, les tortures et le bûcher. Quelques ecclésiastiques chrétiens approuvèrent publiquement ces paroles. Un autre chrétien, dans un ouvrage intitulé : Recherche de la lumière et de la vérité, félicita hypocritement Mendelssohn de s’être éloigné du judaïsme, qui use de rigoureux châtiments et d’anathèmes, pour suivre une religion d’amour. Afin de ne laisser naître aucune confusion, Mendelssohn riposta par un nouveau livre (printemps 1783) qu’il appela Jérusalem ou Le Pouvoir religieux et le Judaïsme.

Dans cet ouvrage, Mendelssohn développe cette idée que l’autorité supérieure possède le droit de contrôle sur les actes, mais non sur les opinions et les croyances. L’Église surtout n’a pas le droit de punir. Sa mission est d’enseigner et de consoler. Il ajoute que la religion juive reconnaît à ses adeptes la liberté de croire selon leur conscience. Le judaïsme primitif ne contient aucun dogme obligatoire, il ne prescrit pas de croire, mais de savoir. Aussi les Juifs ne peuvent-ils jamais être taxés d’hérétiques, quelles que soient leurs opinions religieuses. Ils n’encourent de punition que s’ils traduisent leurs croyances erronées en actes. Car le judaïsme n’est pas une religion révélée, mais une législation révélée. Dans la Constitution donnée par