Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/30

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félicitations. On se réjouissait qu’il eût riposté si vigoureusement aux obscurants de Cologne.

À la suite de l’apparition du Miroir de Reuchlin et de sa défense du Talmud, commença une lutte qui prit un caractère de plus en plus grave et dont la portée dépassa bientôt de beaucoup l’objet qui l’avait fait naître. Les dominicains, qui se sentaient menacés et dont les moyens d’action étaient considérables, se défendirent avec énergie. Mais leur colère leur fit commettre des imprudences et les emporta au delà du but.

Par excès de zèle, leurs amis aussi, au lieu de leur être utiles, nuisirent à leur cause. Un prédicateur de Francfort-sur-le-Mein, Peter Meyer, n’ayant pas réussi à arrêter la vente du a Miroir D et désireux pourtant de plaire aux dominicains, annonça un jour, du haut de la chaire, que Pfefferkorn prêcherait contre le pamphlet de Reuchlin la veille de la prochaine tête de la Vierge, et il invita les fidèles à venir assister en foule à ce sermon. L’idée n’était pas heureuse. Comment espérer que Pfefferkorn produirait une impression favorable sur un public chrétien avec sa figure antipathique, ses manières communes et son jargon judéo-allemand ? Chaque mot, chaque mouvement devait nécessairement exciter le rire de l’auditoire. De plus, d’après la doctrine catholique, il était sévèrement interdit à un laïque, et surtout à un laïque marié, d’officier comme prêtre. Peu de temps auparavant, un berger avait été condamné à être brûlé parce qu’il avait usurpé les fonctions de prédicateur. Au jour dit (7 septembre 1511), Pfefferkorn prêcha, non pas dans l’église même, pour ne pas scandaliser les fidèles, mais à l’entrée de l’église, devant un public nombreux. Mais le spectacle présenté par ce Juif qui multipliait les signes de la croix par-dessus une assemblée chrétienne et, dans son patois juif, exhortait ces chrétiens à la piété, parut fort peu édifiant.

Jusqu’alors, le principal instigateur de cette lutte, l’inquisiteur Jacob Hochstraten, s’était tenu sur la réserve, se contentant d’envoyer au feu ses lieutenants, Pfefferkorn, Ortuin de Graes et Arnaud de Tongres. Quand il s’aperçut de la tournure défavorable que prenait cette affaire pour les dominicains, il crut nécessaire de se jeter lui-même dans la mêlée. Autorisé