Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/31

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sans doute par son provincial, il invita Reuchlin (le 15 septembre 1513) à se présenter à Mayence, dans un délai de six jours, à huit heures du matin, pour être jugé comme ami des Juifs et hérétique. Avant de lancer cet acte d’accusation contre Reuchlin, il avait préparé un réquisitoire bien documenté contre le Miroir et le Talmud. Il avait aussi pris ses mesures pour être appuyé dans ce procès. Il avait, en effet, sollicité de quatre Universités des mémoires sur le Miroir, et toutes les quatre s’étaient naturellement prononcées dans le sens qu’il leur avait indiqué. À la date fixée (20 septembre), Hochstraten, escorté de nombreux dominicains, se trouva à Mayence, où il choisit parmi ses partisans les membres destinés à former le tribunal, ouvrit la séance et se présenta à la fois comme juge et partie.

Les griefs qu’il énonça contre Reuchlin furent ceux qu’avaient déjà formulés Pfefferkorn et Arnaud de Tongres. Il lui reprochait de prendre trop chaleureusement la défense des Juifs, de considérer ces chiens presque autant que les membres de l’Église, de leur reconnaître les mêmes droits qu’aux chrétiens, et il proposa à la Commission de déclarer le Miroir entaché d’hérésie, injurieux pour le christianisme, et de condamner cet ouvrage à être brillé. On ne peut pas nier qu’il y eut progrès. Du temps de Torquemada et de Ximénès de Cisneros, l’auteur aurait été livré aux flammes en même temps que son livre.

À la grande surprise des dominicains, Reuchlin se présenta à Mayence, accompagné de deux conseillers du duc de Wurtemberg. Le procès mené contre lui de si étrange façon par l’Inquisition avait, du reste, irrité au plus haut point bien des gens, et surtout ses amis et ses admirateurs. La jeunesse studieuse de l’Université de Mayence, chez laquelle la théologie et la scolastique n’avaient pas encore éteint tout sentiment de justice et de générosité, ne dissimula pas l’indignation qu’elle en éprouvait, et elle entraîna dans son mouvement de protestation les professeurs de droit et plusieurs personnages de marque. Aussi le chapitre de Mayence s’efforça-t-il d’amener une conciliation entre Reuchlin et ses adversaires. Mais Hochstraten persista dans son fanatisme étroit et fixa la discussion du procès au 12 octobre, jour où serait prononcée la sentence.