Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/32

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Sur l’ordre de l’inquisiteur et avant le prononcé de l’arrêt, les ecclésiastiques de Mayence proclamèrent dans les églises que tous ceux qui avaient en leur possession des exemplaires du Miroir, Juifs ou chrétiens, étaient tenus, sous peine d’une forte amende, de les livrer pour être brûlés. Le clergé promit aussi aux fidèles des indulgences pour trois cents jours s’ils venaient assister à l’autodafé, sur la place de l’église. Au jour fixé, on y accourut en foule. Sur la tribune érigée devant l’église, on vit s’avancer d’un pas grave et solennel les dominicains, ainsi que les théologiens des Universités de Cologne, Louvain et Erfurt. Hochstraten, qui avait rempli jusque-là les fonctions d’accusateur, alla prendre place parmi les juges. Le tribunal se disposait à prononcer le verdict et à faire allumer le feu du bûcher, quand arriva un messager de l’archevêque Uriel. Outré des prétentions des dominicains et de leurs procédés à l’égard de Reuchlin, Uriel de Gemmingen ordonnait aux commissaires élus parmi ses ouailles de remettre le prononcé du jugement à un mois. Dans le cas où ils ne se conformeraient pas à ses ordres, il les relèverait de leurs fonctions d’inquisiteur et déclarerait toutes leurs décisions nulles et non avenues. Les dominicains furent atterrés de cet ordre, qui venait brusquement déjouer toutes leurs machinations. Seul, Hochstraten essaya de protester contre l’intervention de l’archevêque ; mais ses collègues refusèrent de le suivre dans cette voie. Ils descendirent confus de la tribune, poursuivis par les cris moqueurs de la foule et par ces paroles de nombreux assistants : Qu’on fasse monter sur le bûcher ces frères qui traitent de si pitoyable façon un homme d’honneur.

Hermann de Busche, le missionnaire de l’humanisme, comme l’appelle avec raison un écrivain moderne, et Ulric de Hutten, le défenseur chevaleresque de la justice et de la vérité, célébrèrent la victoire de Reuchlin dans un chant intitulé : Triomphe de Reuchlin. Dans cette poésie, ils conseillent à l’Allemagne de se rendre bien compte de l’importance de la victoire remportée sur les dominicains par le plus illustre et le plus savant de ses enfants, et ils l’engagent à faire à Reuchlin, à son retour dans sa patrie, une réception triomphale. Hochstraten est représenté sous les traits d’un hideux fanatique qui crie sans cesse : Au feu les auteurs et