Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/33

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leurs ouvrages ! Ils ajoutent : Qu’on écrive des vérités ou des mensonges, que les livres soient inspirés par la justice ou l’iniquité, Hochstraten est toujours prêt à allumer des bûchers. Il avale du feu, il s’en nourrit, il crache des flammes. Ses complices, Ortuin de Graes et Arnaud de Tongres, ne sont pas mieux traités. Mais, c’est surtout sur Pfefferkorn, sur ce vil renégat qui poursuivait ses anciens coreligionnaires de sa haine tenace, que s’abat le fouet vengeur de la satire.

Naturellement, les Juifs se réjouirent aussi de la défaite des dominicains, car ils étaient particulièrement intéressés à l’issue du procès. Si le Miroir avait été condamné, nul chrétien n’aurait plus osé les défendre, ni moins de se résigner d’avance à se faire accuser d’hérésie, et leurs livres religieux auraient probablement subi le même sort que le Miroir. Les rabbins d’Allemagne se seraient donc montrés excellents prophètes s’ils s’étaient vraiment réunis en synode à Worms, comme le racontaient les dominicains, pour célébrer le succès de Reuchlin cornait, le signe précurseur de la chute de l’empire de Rome, c’est-à-dire de l’obscurantisme.

Il était pourtant trop tût pour chanter victoire. Reuchlin, le premier, ne se faisait aucune illusion sur le caractère précaire de son succès. Il connaissait trop bien ses adversaires pour croire qu’ils accepteraient leur échec avec résignation. Aussi résolut-il d’en appeler au pape pour faire imposer définitivement silence à ses calomniateurs. Mais, comme il savait que la cour pontificale de ce temps n’était pas insensible aux riches cadeaux et que les dominicains ne reculeraient devant rien pour atteindre leur but, il écrivit en hébreu à Bonet de Lattés, médecin juif du pape Léon X, pour lui demander son appui.

Léon X, de l’illustre famille des Médicis, dont le père avait dit qu’il était le plus intelligent de ses fils, n’était pape que depuis quelques mois. C’était un pontife un peu sceptique, s’intéressant plus à la politique qu’à la religion, ne témoignant que dédain pour les discussions théologiques, et préoccupé surtout de louvoyer habilement, et avec profit pour les intérêts temporels du Saint-Siège, entre l’Autriche et la France ou, plus exactement, entre la maison de Habsbourg et celle de Valois. Il était donc peu probable