Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/34

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qu’il examinerait sérieusement si le Miroir de Reuchlin contenait des assertions conformes ou contraires à la foi catholique. Tout dépendrait du point de vue sous lequel on lui montrerait la lutte entre Reuchlin et les dominicains. C’est pourquoi, Reuchlin exposa en détail à Bonet de Lattès, qui voyait fréquemment le pape, tous ses démêlés avec Pfefferkorn et ses acolytes, et le pria d’user de son influence pour que Léon X ne fit pas juger cette affaire à Cologne ou dans une ville voisine.

Le 21 novembre 1513, probablement à la suite des démarches de Bonet de Lattès, le pape chargea les évêques de Spire et de Worms d’examiner eux-mêmes ou de soumettre à des délégués le différend de Reuchlin et des dominicains et de prononcer le verdict, qui serait alors définitif. L’évêque de Worms ; de la famille des Dahlberg, qui était ami de Reuchlin, ne voulut pas prendre parti dans l’affaire. Alors le jeune évêque de Spire, Georges, comte palatin et duc de Bavière, nomma deux juges qui convoquèrent Reuchlin et Hochstraten à Spire. Le premier comparut, mais Hochstraten fit défaut et ne délégua même pas de représentant sérieux. Par crainte des dominicains, les juges l’occupèrent assez mollement du procès, qui traîna en longueur pendant trois mois (janvier-avril 1514). À la fin, ils se décidèrent quand même à prononcer le jugement. Ils déclarèrent que le Miroir ne contenait aucune hérésie, qu’il pouvait être lu et imprimé par tout chrétien, que Hochstraten avait calomnié Reuchlin, qu’il devait s’abstenir dorénavant de toute nouvelle attaque et qu’il était condamné aux dépens (111 florins d’or rhénans).

Irrités de ce nouvel échec, les dominicains traitèrent l’évêque de Spire de la plus méprisante façon et refusèrent de se soumettre au verdict de ses délégués. Pfefferkorn eut même l’audace d’arracher la copie du jugement affichée à Cologne. Contrairement aux usages, Hochstraten en appela directement au pape, sans même en aviser l’évêque de Spire, qui avait fait prononcer la condamnation en qualité de juge apostolique. Il avait des partisans parmi les cardinaux à Rome, et, à supposer qu’il ne gagnât pas rapidement son procès, il espérait, du moins, pouvoir le faire durer assez longtemps pour ruiner totalement Reuchlin en frais de procédure avant le prononcé de la sentence. Et comme les