Aller au contenu

Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/331

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

souffrances. Mais, d’un autre côté, en voyant les Juifs humbles et méprisés, il ne croyait pas qu’ils eussent conservé les qualités de leurs ancêtres ; il partageait à leur égard les préjugés de la foule. Il hésitait donc encore à promulguer une loi qui plaçât le judaïsme sur le même rang que les autres cultes.

Pendant qu’en France, en Hollande, en Italie et dans toutes les régions conquises par les Français, les Juifs étaient émancipés, on les maintenait dans une situation inférieure eu Autriche, en Prusse et dans les nombreuses petites principautés allemandes. Malgré la publication de Nathan le Sage et du Mémoire de Dohm, les préjugés persistaient à leur égard. On eût dit que les Allemands cherchaient à se consoler de l’asservissement dans lequel les tenaient le clergé et l’État en humiliant et en maltraitant les Juifs. À Bertin mime, dans cette ville qui se prétendait si éclairée, les médecins juifs, quelle que fût leur réputation, ne pouvaient pas figurer sur la même liste que leurs collègues chrétiens. Deux écrivains célèbres de cette époque, le grand poète Gœthe et le profond penseur Fichte, proclamaient leur antipathie pour les Juifs. Quoique ennemis des croyances de l’Église, quoique athées, ils détestaient les Juifs au nom de Jésus. Fichte surtout se prononçait énergiquement contre leur émancipation.

Ils trouvèrent pourtant alors, en Allemagne, deux défenseurs convaincus, qui plaidèrent chaleureusement leur cause devant le Congrès de Rastadt. L’un publia, sous le voile de l’anonymat, un intéressant écrit où il raillait avec beaucoup de verve l’étroitesse d’esprit et la sottise des adversaires des Juifs. L’autre, appelé Chrétien Grund, exposa avec une émotion communicative les iniquités dont souffraient les Juifs. Ils s’efforcèrent en même temps d’agir sur l’opinion publique, afin d’appuyer la démarche tentée par les Juifs hollandais auprès du Congrès de Rastadt pour lui faire exercer une pression morale sur les princes allemands en faveur de leurs sujets juifs. Mais les divers États de l’Allemagne opposèrent une résistance obstinée.

C’était surtout l’obligation de payer le péage personnel (leibzoll), inconnu même de nom en dehors des pays allemands, qui révoltait les Juifs. Car par cette taxe, ils étaient presque rabaissés au rang d’animaux. L’empereur Joseph l’avait bien abolie en