Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/35

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obscurants de tous les pays souhaitaient ardemment la condamnation de Reuchlin, les dominicains comptaient bien que plusieurs Universités, notamment la plus influente, celle de Paris, se prononceraient contre le Miroir et agiraient ainsi sur Rome.

Devant la coalition des obscurants, les partisans de la science, les amis des libres recherches, en un mot, les humanistes, unirent également leurs efforts. Il se forma un véritable parti dont le mot d’ordre était : Courage en l’honneur de Reuchlin ! Nous tous, disaient-ils, qui appartenons à l’armée de Pallas, nous sommes aussi dévoués à Reuchlin que les soldats à l’empereur. C’est ainsi que, par suite de la haine de Pfefferkorn pour les Juifs, les chrétiens d’Allemagne se divisèrent en deux camps, les Reuchlinistes et les Arnoldistes (nom donné aux dominicains) qui se combattaient avec acharnement.

À la tête des amis de Reuchlin marchait la jeunesse allemande de ce temps, Hermann de Busche, Crotus Rubianus (Jean Jaeger) et le vaillant et fougueux Ulric de Hutten. Ce dernier surtout, alors âgé de vingt-six ans, se jeta dans la mêlée avec une impétueuse ardeur, consacrant toutes les forces de sa haute intelligence et toute l’énergie de son cœur à la cause du libre examen, et mettant tout en œuvre pour dissiper en Allemagne les ténèbres du moyen âge à la lueur de l’esprit nouveau. À côté de ces jeunes gens, on trouvait des hommes mûris par l’âge et l’expérience et investis des plus hautes dignités : le duc Ulric de Wurtemberg et sa cour, le comte de Helfenstein à Augsbourg, le comte de Nuenar, chanoine, les patriciens Welser, Pirkheimer et Peutinger de Ratisbonne, Nuremberg et Augsbourg, avec leurs partisans, ainsi que de nombreux prévôts, chanoines et membres du chapitre, et même des cardinaux et d’autres hauts dignitaires de l’Église en Italie. Egidio de Viterbe, général de l’ordre des augustins à Rome, élève et protecteur du grammairien juif Elia Lévita, qui aimait beaucoup la littérature hébraïque et provoqua la traduction du livre cabalistique Zohar, écrivait à Reuchlin : La Loi (Tora), révélée aux hommes au milieu du feu, fui sauvée une première fois des flammes quand Abraham sortit sain et sauf de la fournaise. Reuchlin vient de la préserver une seconde fois du