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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/349

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examiner. Certaines personnes essayèrent, à ce moment, de mettre à profit son absence de France pour intriguer contre les Juifs et essayer de faire restreindre leurs droits. Des délégués juifs eurent heureusement vent de ces agissements, et l’infatigable Furtado, accompagné de Maurice Lévy, de Nancy, ne craignit pas de se rendre jusqu’aux bords du Niémen pour informer Napoléon de ce qui se tramait. L’empereur les accueillit avec bienveillance et leur promit de laisser jouir les Juifs des mêmes droits que les autres citoyens.

Il ne tint pas complètement parole. Au bout d’un an, il fit connaître sa volonté par les décrets du 17 mars 1808. Après avoir approuvé par un de ces décrets la nouvelle organisation consistoriale, élaborée dans l’assemblée des notables le 10 décembre 1806, qui présente ce côté fâcheux d’investir les consistoires et les rabbins de fonctions de police, il apporta, par l’autre décret, pour une période de dix ans, les plus graves restrictions à la liberté commerciale des Juifs. Nul Juif ne pourra se livrer à aucun commerce, négoce ou trafic quelconque sans avoir reçu, à cet effet, une patente du préfet du département… Tout acte de commerce fait par un Juif non patenté sera nul et de nulle valeur. Il faut également être patenté pour prendre une inscription hypothécaire. Le prêt sur nantissement est soumis à des conditions qui rappellent le moyen âge. En outre, défense est faite aux Juifs de venir s’établir dans les départements du Haut et du Bas-Rhin. Quant aux autres départements, ils ne pourront s’y fixer qu’en se livrant à l’agriculture. Enfin, ils ne seront point admis à fournir des remplaçants pour accomplir leur service militaire ; tout conscrit juif sera assujetti au service personnel. Les Juifs des départements de la Gironde et des Landes ne furent pas soumis à ces mesures, parce qu’ils n’avaient donné lieu à aucune plainte, ne se livrant pas à un trafic illicite.

Les dispositions de ce décret provoquèrent des protestations si vives parmi les Juifs que Napoléon lui-même en modéra l’application. C’est ainsi qu’il fit exception successivement pour les Juifs de Paris, de Livourne, des Basses-Pyrénées, des Alpes-Maritimes et d’autres départements. En définitive, elles ne demeurèrent en vigueur qu’en Alsace et dans les provinces rhénanes.