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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/366

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du Danemark. Quelques années auparavant, ce pays avait accordé aux Juifs les droits civils et les leur avait laissés. À la suite des désordres de Hambourg, plusieurs marchands juifs de cette ville s’étaient réfugiés à Copenhague. Ce fut peut-être par crainte de la concurrence que des commerçants chrétiens provoquèrent des désordres contre leurs rivaux juifs. Mais le gouvernement proclama immédiatement l’état de siège. Du reste, dans les rares villes danoises habitées par des Juifs, les bourgeois chrétiens s’opposèrent eux-mêmes aux violences et les ecclésiastiques prêchèrent dans les églises la tolérance et la fraternité.

Par un remarquable contraste, en Portugal un membre des Cortés faisait, à ce moment, la proposition de rappeler les Juifs, autrefois expulsés du pays, et de racheter ainsi le crime commis à leur égard, pendant qu’en Allemagne des écrivains et des hommes d’État excitaient leurs compatriotes à renouveler en plein dix-neuvième siècle cet odieux exploit. La guerre de plume faite aux Juifs était acharnée, implacable, on exprimait le vœu que la haine des chrétiens hâtât l’avènement du jour du Jugement pour les Juifs. Et aucun écrivain chrétien pour les défendre efficacement ! Ni le vieux Jean-Paul Richter, qui leur était pourtant favorable, ni Varnhagen d’Ense, le mari de la juive Rahel, n’osèrent intervenir énergiquement en leur faveur. Quant aux Juifs convertis, sauf Bœrne, ils gardèrent tous un prudent silence. Rahel, il est vrai, s’éleva avec indignation contre ces violences dans une lettre qu’elle écrivit à Louis Robert, son frère : Je suis infiniment triste, disait-elle, comme je ne l’ai jamais été, et cela à cause des Juifs. On veut les garder dans le pays, mais c’est pour les humilier, les mépriser, les rendre ridicules… pour leur donner des coups de pied et les jeter en bas des escaliers. Mais ni Rahel ni son frère, qui écrivaient pourtant sur les questions les plus futiles et exerçaient quelque influence sur l’opinion publique, n’eurent le courage de blâmer ouvertement ces faits scandaleux.

Il est vrai que les Juifs n’avaient nullement besoin d’un appui étranger. Dans l’Allemagne seule, on trouvait alors près de quarante écrivains juifs et deux journaux juifs. D’autres