Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/367

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journaux étaient également disposés à accueillir leurs protestations Aussi bien, des Juifs descendirent vaillamment dans l’arène, rendant coup pour coup. Même David Friedlænder, qui était déjà un vieillard, éleva la voix contre les ennemis du judaïsme, mais il se contentait de déplorer, avec des gémissements, qu’on se montrât si cruel et si inique au nom de ce christianisme qu’il avait regardé comme la religion idéale. En général, les traits lancés par tous ces combattants étaient trop faibles pour entamer les grossiers préjugés et les prétentions ridicules des mangeurs de Juifs. Heureusement, il se rencontra alors deux hommes qui surent fustiger les teutomanes de leurs verges vengeresses et mettre à découvert leur incurable vanité, leur étroitesse d’esprit et leurs sentiments mesquins. Ce furent Louis Bœrne et Henri Heine.

Ces deus écrivains, bien qu’ils eussent déserté tous deux le judaïsme, furent foncièrement juifs et par leurs sentiments intimes, et par leur éducation et par leur genre de talent. En lisant leurs œuvres, on s’aperçoit bien vite qu’ils sont des enfants du judaïsme. On reconnaît leur origine juive, non seulement dans leur esprit pétillant et leur ironie cinglante, mais aussi dans leur amour de la vérité et de la liberté, leur haine de l’hypocrisie, leur colère contre l’injustice, l’intolérance et le fanatisme. Les sentiments démocratiques qui dominaient chez Bœrne comme la dialectique pénétrante qui distinguait Heine étaient essentiellement juifs.

Louis Bœrne, ou Loeb Baruch, naquit à Francfort en 1786 et mourut à Paris en 1837. Son père, Jacob Baruch, quoique assez indifférent à l’observance des usages juifs, le fit cependant élever d’une façon très orthodoxe. Mais il ne tarda pas à négliger, lui aussi, les pratiques religieuses, et, plus tard, il abandonna même complètement le judaïsme. À Berlin, il fréquenta le salon de Henriette Herz. Son solide bon sens et sa pitié pour les opprimés le préservèrent de la lâcheté manifestée par tous ces apostats berlinois, qui espéraient faire oublier plus facilement leur origine juive en s’abstenant d’intervenir en faveur de leurs anciens coreligionnaires. Encore tout jeune, il se révoltait déjà à la pensée que le plus mauvais drôle, pourvu qu’il fût chrétien,