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CHAPITRE XVI


Les réformes religieuses et la science juive
(1815-1840)


Une fois sortis de leur état d’asservissement et élevés au rang de citoyens, les Juifs devaient songer à modifier la physionomie de leur religion. Depuis deux mille ans, le judaïsme avait eu à lutter pour l’existence, assailli par chaque nouveau peuple qui paraissait sur la scène de l’histoire, par les Grecs et les Romains. Les Parthes et les néo-Perses, les Goths et les Slaves, les Arabes et la féodalité du moyen âge. Les religions également lui avaient déclaré la guerre ; les moines de tout ordre aussi bien que les luthériens l’avaient menacé de destruction. De ces combats incessants il était sorti couvert de poussière et défiguré par les blessures. De plus, pour soutenir le choc de ses nombreux et puissants ennemis, il avait dû s’envelopper d’une épaisse cuirasse, couper ses communications avec le dehors et s’enfermer comme dans une étroite citadelle. Peu à peu il s’était tellement habitué à la lourde armure dont il s’était couvert, qu’il la considérait comme partie intégrante de son essence même. Repoussés de tout côté, obligés de se replier sur eux-mêmes, les adeptes du judaïsme, surtout depuis leur expulsion de l’Europe occidentale, s’étaient créé un monde de rêves et de chimères, dans lequel ils s’isolaient pour mieux supporter les coups dont on les accablait.

Lorsque la proclamation de leur émancipation vint illuminer leur solitude d’un rayon de soleil et les réveiller de leurs rêves, ils ne purent d’abord pas croire à la réalité de ce bonheur. Ils craignaient que ce ne fût un stratagème de la part de leurs ennemis pour venir à bout de leur foi par un procédé nouveau, et leur premier mouvement fut de s’attacher plus fortement à leur religion. Mais cette religion, ils ne la connaissaient plus assez à fond, ils ne savaient plus distinguer les éléments qui s’y étaient introduits