Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/378

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possédant toutes les qualités d’un lutteur énergique. Mais il était trop éloigné du centre de la réforme pour pouvoir la combattre efficacement ; ses coups ne portaient pas. D’ailleurs, lui comme ses collègues ne connaissaient pas l’adversaire qu’ils essayaient de terrasser, il leur paraissait faible et ils ne témoignaient pour lui que du dédain. Ils ne comprenaient pas mieux les exigences de la nouvelle situation des Juifs. Se présentait-il une question embarrassante ou un cas difficile, ils hésitaient sur le parti à prendre, tiraient de leur arsenal de vieilles armes rouillées et dévoilaient ainsi leur faiblesse à leurs adversaires. Ils étaient également incapables de trouver de ces mots qui frappent l’esprit de la foule et peuvent servir de signe de ralliement à un parti.

Les réformés, au contraire, possédaient tout ce qui manquait aux orthodoxes, ils avaient un chef énergique, une grande cohésion et surtout beaucoup de ces mots sonores qui exercent de l’influence sur les intelligences médiocres : esprit moderne, civilisation, progrès, etc. Très zélés, pleins de confiance et d’audace, peu scrupuleux sur les moyens, ils devaient forcément réussir. Leur inspirateur, Jacobson, prévoyait bien qu’on leur susciterait des difficultés, il savait aussi que le Sénat de Hambourg, à l’exemple de Frédéric-Guillaume III, était disposé à fermer leur temple. Pour prévenir un tel coup, il se mit en rapport avec un aventurier autrichien, Eliezer Libermann, qui se rendit en Italie et en Hongrie pour obtenir l’appui de quelques rabbins en faveur de la nouvelle organisation du culte synagogal. Il y réussit. Aron Chorin, rabbin d’Arad, et Moïse Kounitz, rabbin d’Ofen, furent les premiers à approuver le programme de la réforme. Ils furent bientôt suivis par deux rabbins italiens, Schem Tob Samoun, de Livourne, et Jacob Vita Ricanati.

Un autre rabbin, dont la démarche causa un certain étonnement, adhéra également aux modifications introduites dans le temple réformé. Ce fut Lazare Riesser, le père de l’infatigable champion de l’émancipation juive en Allemagne, qui avait toujours été considéré comme un orthodoxe. Gendre et collaborateur actif du rabbin Raphaël Cohen, il semblait très attaché au