Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/385

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conceptions nébuleuses et à leur style bizarre, les fondateurs de la Société pour la science du judaïsme éclatèrent en gémissements et en récriminations. Ils déploraient que leur journal n’eût pas de lecteurs, que nul capitaliste ne voulût soutenir leur œuvre, que le judaïsme fût méconnu de tous les Juifs. Bientôt, plusieurs membres de la Société, malgré leur engagement tacite à persister dans leur foi, se convertirent au christianisme. La Société ne tarda pas à se dissoudre. À peine eut-elle disparu que Gans lui-même se fit baptiser. Heine, qui avait pourtant abandonné, lui aussi, le judaïsme, fut outré de l’apostasie de Gans : Sa trahison, disait-il, est plus odieuse, parce qu’il a joué le rôle d’un agitateur et qu’il avait accepté les devoirs d’un chef. Il est admis par tous que si un navire sombre, le capitaine le quitte le dernier. Gans s’est sauvé le premier.

Moser ne renia pas son culte, mais proclama qu’il désespérait du salut du judaïsme. Seul le troisième membre du triumvirat, Zunz, ne perdit pas complètement courage : Ce qui surnage de ce déluge, disait-il, c’est la science du judaïsme. Elle est bien vivante, quoique, depuis des siècles, personne ne s’en soit préoccupé. J’avoue qu’à côté de ma soumission à la volonté divine, je trouve appui et consolation dans mes recherches scientifiques. J’ai cessé de prêcher, parce que je voyais que je prêchais dans le désert, mais je n’ai jamais songé à devenir infidèle à mes propres paroles.

Zunz eut raison d’espérer. Ce fut, en effet, la science juive qui contribua au rajeunissement du judaïsme. Elle fit sortir, en quelque sorte, Israël de sa tombe et lui rendit la conscience de sa noblesse et de sa grandeur. Déroulant sous ses yeux ses glorieuses annales, elle lui montra les péripéties diverses de sa longue histoire qui, sans interruption, s’étend depuis la plus haute antiquité jusqu’au temps présent. Elle lui fit aussi connaître les remarquables produits de l’esprit juif, qui ont exercé une sérieuse action sur la morale et la littérature des peuples. En exposant ainsi devant les Juifs leur histoire et leurs doctrines, la science leur révéla leur valeur, ses rendit plus confiants en eux-mêmes et les encouragea à continuer l’œuvre de justice, de vérité, de fraternité, entreprise par leurs aïeux. Après des siècles d’outrages et de persécutions,