Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/396

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qu’une étroite amitié liait à Gabriel Riesser, était un esprit d’une vigueur et d’une profondeur remarquables. Plus clairement encore que Bernays, il comprit que les Juifs ont une grande et difficile mission à remplir et que leurs doctrines comme leur destinée correspondent à cette mission. Nais Steinheim n’était pas seulement un profond penseur, il écrivait avec élégance et savait présenter ses idées sous une forme attrayante. Eût-il été doué d’un plus grand talent poétique, il ressemblerait fort au poète-philosophe Juda Hallévi. Son premier ouvrage, intitulé Chants d’Obadia ben Amos en exil, n’a pas une grande valeur poétique, mais contient déjà des pensées élevées.

Dans ce livre, un sage juif d’Égypte, Obadia, révèle à son fils, au temps des Ptolémées, les vicissitudes qui feront le peuple juif à la fois si grand et si misérable. C’est par la volonté expresse de la Providence qu’une faible nation, chargée de travailler au salut de l’humanité, sera persécutée, traquée, maltraitée par des millions d’ennemis et pendant des milliers d’années, et survivra à tous ces malheurs. Autrefois, nos aïeux ont reçu pour eux et pour leurs descendants la consécration comme prêtres.

Toi-même, peuple élu, qui vivras éternellement,

Toi, dont les membres sont dispersés parmi les nations,

Tu es le prêtre et tu es la victime,

Tu es un témoin ensanglanté de Jéhovah.

Jugés de ce point de vue élevé, le passé comme l’avenir d’Israël apparurent à Steinheim dans leur magnifique réalité. Dès lors, la destinée de ce peuple ne présentait plus aucune obscurité, aucune énigme. Si les Juifs furent dispersés à travers tous les pays, s’ils eurent à subir tant d’humiliations et tant de souffrances, ce fut pour répandre la connaissance du Dieu Un et enseigner aux hommes une noble et généreuse morale. Cette conception n’était pas tout à fait nouvelle, elle est largement développée dans le second Isaïe.

Une chose pourtant semblait étrange à Steinheim, c’était la coupable faiblesse qu’il rencontrait chez ses coreligionnaires d’Allemagne. L’éloignement manifesté alors par tant de Juifs pour leur culte, leur manque de confiance dans l’avenir de leur religion, leur