Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/407

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il demanda au ministre des Affaires étrangères de mettre fin aux agissements de Ratti-Menton (7 avril). En même temps il protesta publiquement, avec une véhémente éloquence, contre les mensonges répandus en France sur cette affaire.

Chez les Juifs d’Angleterre aussi, les tortures infligées à leurs malheureux coreligionnaires de Damas soulevèrent un mouvement d’énergique réprobation. Dans ce pays, les Juifs occupaient alors une situation très satisfaisante. La cause de l’émancipation n’était pas encore complètement gagnée, mais, parleur activité, leur intelligence et leur probité, ils avaient acquis l’estime et la considération de leurs concitoyens. Du reste, ils n’étaient plus soumis qu’à de très rares lois d’exception. Jusque vers 1830, ils n’avaient pu remplir de fonctions municipales ou politiques parce que, pour ces fonctions, il fallait prêter serment sur l’Évangile en disant : Foi de bon chrétien. Mais l’opinion publique était pour eux. Déjà en 1830, ils pouvaient obtenir le droit de bourgeoisie dans la Cité de Londres en prêtant simplement le serment sur l’Ancien Testament, et sans prononcer les mots foi de bon chrétien. En 1832, l’Acte de Réforme, sans les rendre éligibles, leur avait pourtant accordé le droit de suffrage. L’année suivante, on leur avait ouvert l’accès des fonctions d’avocat (barrister), et, en 1835, celui des fonctions de shérif. Cette même année, les électeurs d’un quartier de Londres avaient nommé David Salomons leur représentant à la cour des aldermen de cette ville. Son élection avait été annulée parce que, pour cette dignité, il fallait encore prêter le serment chrétien. biais on sentait que l’époque n’était pas éloignée où ce serment serait aboli totalement pour les Juifs et où toutes les fonctions et même le Parlement leur seraient rendus accessibles.

Telle était, en 1840, la situation des Juifs d’Angleterre. Dès qu’ils apprirent les événements de Damas, les plus considérés d’entre eux, le baron Nathaniel de Rothschild, Moses Montefiore, Salomons, les frères Goldschmid et d’autres encore décidèrent (27 avril) de faire une démarche auprès du gouvernement anglais en faveur de leurs malheureux coreligionnaires. Crémieux, qui avait assisté à leurs délibérations, à Londres, s’entendit avec eux pour voir le roi Louis-Philippe le même jour où ils se rendraient auprès de