Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/409

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meurtre devant un tribunal spécial. Après de longs débats, le tribunal reconnut l’innocence des Juifs inculpés et les fit remettre en liberté.

Méhémet Ali se montra moins prompt à l’aire justice des calomnies de Damas. Il avait bien promis au consul autrichien, Laurin, dès le commencement d’avril, d’arracher les victimes juives à leurs persécuteurs. Mais le consul général français soutenait Ratti-Menton, son subordonné, et le vice-roi d’Égypte avait trop besoin de la France pour oser mécontenter le représentant de ce pays. Sur le conseil de Laurin, la communauté juive d’Alexandrie fit remettre à Méhémet Ali une adresse éloquente, où elle disait, entre autres, que la religion juive existe depuis plus de quatre mille ans. Depuis quatre mille ans, pourrait-on trouver dans les annales des institutions religieuses des Israélites un seul mot qui pût servir de prétexte à une semblable infamie ? Honte, honte éternelle à celui qui pourrait le croire !… Altesse, nous ne demandons pas la pitié pour nos coreligionnaires, nous réclamons la justice. Le prince de Metternich envoya également au souverain d’Égypte une lettre pressante, qui produisit un heureux effet.

Ébranlé par toutes ces démarches, Méhémet Ali se décida à demander la formation d’un tribunal composé des consuls d’Autriche, d’Angleterre, de Russie et de Prusse, pour juger à nouveau le procès d’après les lois européennes. Il autorisa ce tribunal à envoyer à Damas une commission chargée d’entendre les témoins, et ordonna à Schérif-pacha de cesser provisoirement toute nouvelle poursuite contre les Juifs. On pouvait donc légitimement espérer que la vérité serait enfin mise au jour quand, par suite d’une nouvelle intervention de la France, particulièrement sur la demande de Thiers, alors président du conseil des ministres, Méhémet Ali revint sur sa décision.

Mais les Juifs d’Europe, qui avaient pris en main la cause de leurs coreligionnaires de Damas en face de l’opinion publique et auprès des diverses puissances, ne se laissèrent pas arrêter dans leur œuvre de défense. Tous sans exception, aussi bien ceux qui avaient rompu avec les pratiques religieuses du judaïsme, comme Achille Fould, de Paris, que les ultra orthodoxes, comme Hirsch