Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/417

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de Turquie pour les inviter à se conformer au vœu du sultan en s’habituant à parler le turc. Cette circulaire même, écrite dans un jargon composé de vieux-espagnol, d’hébreu et de turc, était une preuve manifeste de la nécessité, pour les Juifs de Turquie, d’apprendre la langue de leur pays.

La science juive aussi tira profit du voyage des délégués européens en Orient. Munk rapporta, en effet, du Caire et d’Alexandrie de nombreux documents arabes, qui lui permirent de mettre en pleine lumière la brillante période de l’histoire des Juifs du moyen âge sous la domination arabe en Orient et en Occident.

Salomon Munk (né à Glogau en 1802 et mort à Paris en 1867) fut un de ces caractères élevés, tels que Rapoport, Luzzatto, Mannheimer, Riesser, qui illustrèrent le judaïsme dans la première moitié du XIXe siècle. Sa modestie semblait augmenter avec l’étendue de ses connaissances. Frappé de cécité à la suite de minutieux et pénibles déchiffrements de manuscrits arabes, il supporta son malheur avec une patience et une sérénité qui excitèrent l’admiration des savants de France et d’Allemagne. Esprit sagace et méthodique, il acquit une science profonde des littératures arabe et hébraïque, à l’étude desquelles il s’était particulièrement voué. Sa grande compétence dans le domaine de la littérature arabe, si vaste et si difficile, était hautement louée par les plus illustres spécialistes. Du reste, en Égypte, où il servit d’interprète à Crémieux, on reconnaissait qu’il parlait et écrivait l’arabe comme un indigène. Malgré son infirmité, il continua à se livrer jusqu’à sa mort à ses travaux scientifiques. Son application vigilante, sa pénétration et sa remarquable érudition remplacèrent la vue qui lui manquait. On lui doit de connaître enfin complètement l’ouvrage philosophique de Maïmonide, dont il publia l’original arabe et la traduction française. Ce fut également lui qui prouva que la philosophie chrétienne du moyen âge dérive en partie des philosophies arabe et juive.

À leur retour d’Orient, les deux délégués juifs, qui n’avaient pas seulement sauvé plusieurs vies humaines, mais avaient défendu le judaïsme tout entier contre la plus infâme des calomnies, excitèrent partout, sur leur passage, le plus ardent