Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/420

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Des deux côtés les passions étaient tellement surexcitées que le Sénat crut nécessaire d’intervenir.

Afin de donner plus d’autorité à l’excommunication qu’il avait prononcée contre les novateurs, Bernays demanda à de nombreux rabbins et prédicateurs, qu’il supposait partager ses convictions, de faire connaître leur opinion sur ces innovations. Cette consultation révéla le changement important qui s’était produit depuis vingt ans dans les idées religieuses des Juifs d’Allemagne. Pendant qu’à l’origine (1818), le parti de la réforme n’avait obtenu que l’approbation de trois rabbins, en 1841 Bernays ne fut appuyé dans sa campagne contre les réformes que par un seul de ses collègues, le rabbin d’Altona, son voisin : douze ou treize rabbins se déclarèrent expressément en faveur des innovations. Alors commencèrent les exagérations de la réforme. De jeunes rabbins, ou directeurs de conscience, comme ils se plaisaient à s’appeler, se posaient en champions attitrés de la civilisation et du progrès, péroraient partout avec une présomptueuse suffisance sur la nécessité de modifier le culte public et en imposaient tellement par leur assurance que leurs collègues orthodoxes n’essayaient même pas de les combattre. On eût dit que le judaïsme allemand tout entier était définitivement acquis aux réformes.

Il se produisit alors à Hambourg une catastrophe qui fit reléguer à l’arrière-plan la question des réformes religieuses. En mai 1842, un terrible incendie détruisit une grande partie de la ville. Mais la lutte entre les novateurs et les orthodoxes ne cessa pas en Allemagne ; elle reprit sur un autre point, à Francfort-sur-le-Mein. Dans cette ville, où fut créée la première luge maçonnique juive et où existait depuis 1806 une école juive, la Philanthropine, dont l’enseignement s’inspirait d’un esprit très libéral, bien des Juifs avaient rompu avec le judaïsme traditionnel. Michel Creizenach (1789-1842), professeur de la Philanthropine, avait réussi à réunir autour de lui un certain nombre de partisans des réformes. Par ses nombreux ouvrages destinés à combattre le judaïsme talmudique, il avait inspiré à son petit cercle d’amis et d’admirateurs une véritable passion pour les innovations et une profonde antipathie pour les anciennes pratiques. Mais, quoique intelligent et foncièrement honnête, Creizenach