Aller au contenu

Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pourtant bien supérieur à ces savants, n’exerçait pas une plus grande influence qu’eux sur ses coreligionnaires.

Parmi les autres rabbins établis en Italie, Isaac Abrabanel, le représentant du vieil esprit hispano-juif, condamnait les libres recherches et toute spéculation scientifique, parce que, selon lui, les écrits philosophiques de Maïmonide contiennent des hérésies. Un transfuge portugais, Joseph Yabéç, et Abraham ben Salomon, de Trujillo, allaient jusqu’à rendre la philosophie responsable de l’expulsion des Juifs d’Espagne et de Portugal. Égarés par elle, disaient-ils, les Juifs de ces pays avaient péché et avaient ainsi attiré sur eux ce terrible châtiment.

Seul Léon Abrabanel, appelé aussi Léon Medigo, composa en ce temps une œuvre originale, les Dialoghi d’amore ou Dialogues d’amour. Cette œuvre montre la souplesse extraordinaire du génie juif. Il est remarquable, en effet, qu’après avoir été arraché aux douceurs d’une existence aisée, jeté dans un pays étranger, obligé d’errer à travers toute l’Italie, et le cœur encore saignant de la perte de son fils aîné, qu’on lui avait ravi pour l’élever dans la foi chrétienne, Léon Medigo ait conservé assez de fermeté d’esprit pour accepter bravement sa nouvelle situation, s’adonner à l’étude de la langue et de la littérature italiennes, et essayer de créer un système. de philosophie. Dix ans à peine s’étaient passés depuis son départ de l’Espagne, et déjà il était considéré comme un des savants de l’Italie, tenant brillamment son rang parmi les lettrés, au goût si pur, de l’époque des Médicis, et se distinguant par la variété de ses connaissances. Le même homme qui avait adressé en vers hébreux, à son fils, baptisé par contrainte en Portugal, les conseils les plus élevés et les plus tendres pour l’engager à rester fidèle de cœur au judaïsme et à se rappeler sans cesse la douleur de ses parents, ce même homme écrivit ces Dialogues tout débordants d’amour, où Philon exprime sa profonde tendresse pour Sophie.

Dans cet ouvrage, qui n’a du roman que la forme, Léon Medigo expose ses idées philosophiques. À vrai dire, c’est plutôt une idylle philosophique qu’un système sérieux. L’auteur y fait plutôt preuve d’imagination que de profondeur de pensée, et ses observations sont plus ingénieuses que justes. Peut-être Léon Medigo