Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/63

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une mort presque certaine. Ainsi, plusieurs Marranes d’Espagne, condamnés au bûcher, s’étaient réfugiés en Portugal, à Campo-Mayor, et, fait absolument inouï, n’y avaient pas été inquiétés. Enhardis par ce premier succès, plusieurs de ces Marranes retournèrent armés à Badajoz, d’où ils s’étaient enfuis, pour délivrer des femmes marranes enfermées dans la prison de l’Inquisition. Ils répandirent la terreur dans la ville et réussirent à délivrer les prisonnières. Ému par cet incident et aussi par l’accusation portée contre quelques Marranes d’avoir profané une image de la Vierge, João III revint à sa première pensée de créer des tribunaux du Saint-Office dans son royaume.

Du reste, l’amitié de João pour David Reübeni s’était refroidie. Reçu d’abord à la cour, où il eut plusieurs entretiens avec le roi par l’intermédiaire d’un interprète, David avait obtenu la promesse que le gouvernement portugais mettrait à la disposition de son frère, le prétendu souverain d’Arabie, huit vaisseaux et quatre mille armes à feu pour marcher contre les Arabes musulmans et les Turcs. Mais, sur ces entrefaites, Miguel de Silva, ambassadeur du Portugal auprès du pape au moment où David séjournait à Rome, et qui avait toujours considéré le soi-disant prince juif comme un aventurier, était revenu à Lisbonne. Là, il s’efforça d’éveiller la méfiance du roi contre David Reübeni, qui, d’ailleurs, avait été grandement compromis par l’enthousiasme qu’il excitait parmi les Marranes. On avait aussi appris que Diogo Pirès ou Salomon Molcho s’était soumis à la circoncision et avait cherché un refuge en Turquie. La cour en fut fort scandalisée et en rendit responsable David Reübeni. Celui-ci fut donc brusquement invité, après un séjour d’un an, à quitter le Portugal ; on lui accorda un délai de deux mois pour ses préparatifs de départ. Le vaisseau où il s’était embarqué avec sa suite fut poussé sur la côte espagnole. Arrêté et jeté en prison en Espagne, il était appelé à comparaître devant un tribunal du Saint-Office, quand l’empereur Charles le fit remettre en liberté. Il se rendit alors à Avignon, la ville des papes.

Après sa rupture avec David Ruëbeni, le roi João fut sollicité avec une nouvelle insistance par la reine, les dominicains et quelques grands d’établir en Portugal des tribunaux d’inquisition.