Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/65

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séduction que, partout où il passait, il réussissait à inspirer à beaucoup d’esprits la plus absolue confiance. À Ancône, où se trouvait alors une communauté de Marranes revenus au judaïsme, ses sermons apocalyptiques soulevèrent un véritable enthousiasme. Pourtant, il y rencontra aussi des adversaires, qui craignaient que sa témérité ne nuisible aux Juifs et aux Marranes. Invité à s’établir à Pesaro par le duc Urbino Francesco della Rovere Ier, qui espérait attirer ainsi dans cette ville un certain nombre de Marranes riches et industrieux, il n’y fit qu’un séjour très court. Il était impatient d’arriver à Rome.

Dans cette ville, il trouva un excellent accueil auprès du cardinal Lorenzo Pucci, le grand pénitencier, qui avait déjà défendu Reuchlin et le Talmud contre les a hommes obscurs i, et qui protégeait les transfuges marranes, et aussi auprès de Clément VII. Ce pape, qui avait été obligé de couronner lui-même comme empereur romain Charles-Quint, son ennemi implacable (1530), et qui avait subi de douloureuses déceptions, se laissait facilement séduire par le mirage des visions et des prophéties. Il témoigna donc de la faveur à Molcho et lui accorda mène un sauf-conduit, parce que cet aventurier lui avait prédit que Rome serait inondée, comme il avait prédit peu auparavant à l’ambassadeur portugais, Bras Neto, que Lisbonne souffrirait d’un tremblement de terre, et que les deux prédictions s’étaient réalisées[1]. Ni le pape ni le cardinal Pucci, prévenus tous deux en faveur de l’ancien Marrane Molcho, n’étaient donc disposés, à ce moment, à laisser établir des tribunaux d’inquisition contre les Marranes du Portugal.

Hais Molcho était moins bien vu par une partie de ses coreligionnaires de Rome qu’à la cour pontificale. Un des plus illustres et plus savants, le médecin Jacob Mantino, s’acharnait surtout contre lui, allant jusqu’à reprocher à l’ambassadeur du Portugal de laisser un ancien chrétien portugais librement prêcher contre le christianisme à Rome. Comme Bras Neto ne tint aucun compte de ses objurgations, Mantino s’adressa à l’Inquisition, qui fit comparaître Molcho devant la Congrégation. Celui-ci présenta alors le sauf-conduit que le pape lui avait délivré. Les juges s’en emparèrent