Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/66

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et se rendirent avec cette pièce auprès de Clément VII pour lui faire entendre combien il avait tort de protéger un ennemi du christianisme. Sur la réponse du pape qu’il voulait se servir de Molcho dans un but secret, l’Inquisition allait remettre l’aventurier en liberté, quand Mantino reprit son accusation contre lui sur d’autres points. Molcho fut condamné à mort. On éleva un bûcher et, en présence d’une foule considérable, un malheureux, couvert du san-benito, fut précipité dans les flammes. Quand le juge alla informer le pape que justice était faite, il fut stupéfait de voir Molcho vivant se promener à travers les appartements pontificaux. Pour sauver son protégé, le pape, avec la connivence de quelques juges, avait fait brûler un autre condamné à sa place. Mais Molcho ne put pas rester plus longtemps à Rome.

Après le départ de Molcho, suivi de près par la mort du cardinal Lorenzo Pucci (août 1531), le pape céda enfin aux sollicitations du roi de Portugal. Sur les instances de l’empereur Charles et du grand pénitencier Antonio Pucci, qui avait succédé à son oncle, et malgré l’opposition des cardinaux Egidio de Viterbe, élève d’Elia Lévita, et Geronimo de Ghinucci, Clément VII autorisa, par une bulle du 17 décembre 1531, l’introduction de l’Inquisition en Portugal. En même temps comme s’il avait honte d’abandonner ainsi ses protégés, il leur adjoignit les protestants, qu’il soumit aussi à l’autorité de l’Inquisition. Il eut pourtant la précaution de confier la direction de ces tribunaux aux franciscains, moins fanatiques que les dominicains. Ce fut le franciscain Diogo da Silva qu’il nomma inquisiteur général. Mais les Marranes furent persécutés avec la même cruauté, car les trois tribunaux créés à Lisbonne, à Evora et à Coïmbre s’organisèrent sur le modèle de ceux que Torquemada avait fondés en Espagne.

Devant le terrible danger qui les menaçait, de nombreux Marranes songèrent à émigrer. Mais cette voie de salut leur était même fermée. Comme autrefois leurs aïeux en Égypte, ils avaient derrière eux un ennemi implacable et devant eux l’immensité de la mer. Il était défendu aux capitaines de vaisseau, sous peine de mort, de transporter des Marranes hors du Portugal, et aucun chrétien ne pouvait acheter leurs immeubles. Il leur était également