Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/67

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interdit d’expédier leurs valeurs mobilières à l’étranger ou de tirer des lettres de change. Ceux qui étaient découverts dans leurs préparatifs de fuite étaient jetés au cachot, avec toute leur famille, et livrés aux flammes.

Il y en eut pourtant qui réussirent à s’échapper. Ceux qui arrivèrent à Rome firent part à Clément VII des cruautés commises en Portugal et se plaignirent que, contrairement aux privilèges que le roi leur avait autrefois accordés, on leur défendit d’émigrer. Le pape, qui n’avait autorisé qu’avec répugnance la création de tribunaux d’inquisition en Portugal, accueillit les protestations des Marranes avec bienveillance. Il sentait que de telles violences semblaient justifier les attaques des ennemis de l’Église, et, du reste, il n’ignorait pas que l’inquisition avait été introduite en Portugal sur les instances de l’Espagne et de l’empereur Charles-Quint, son ennemi. Aussi se montrait-il disposé à annuler sa bulle.

C’est à ce moment que Salomon Molcho et David Reübeni recommencèrent leurs extravagances. Décidés à se rendre auprès de l’empereur d’Allemagne, qui était alors à la diète de Ratisbonne, ils partirent de Bologne, par Ferrare et Mantoue, avec une bannière sur laquelle on lisait le mot Makbi, mot formé des lettres initiales du verset hébreu : Qui est comme toi parmi les puissants, ô Éternel. L’empereur Charles leur accorda une audience. D’après une légende, ils auraient conseillé à l’empereur de se convertir au judaïsme. Une telle folie, croyable de la part de Molcho, n’aurait certainement pas été commise par son compagnon David. Ils sollicitèrent plutôt de Charles-Quint l’autorisation, pour les Marranes, de s’armer et de s’unir aux tribus juives de l’Arabie contre les Turcs. Le représentant des Juifs d’Allemagne de ce temps, le sage et prudent Joselin de Rosheim, les avait avertis en vain de ne pas rester dans le voisinage de l’empereur ; ils n’avaient pas voulu tenir compte de son conseil. Ils ne tardèrent pas à être arrêtés (juin-septembre 1532) et ramenés à Mantoue. Là, un tribunal ecclésiastique condamna Molcho à être brûlé comme apostat et hérétique. Un craignait tellement l’action de son éloquence fougueuse et persuasive sur la foule, qu’il fut conduit au supplice la bouche bâillonnée. Il était déjà au pied du