Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/68

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bûcher quand un messager arriva en toute hâte pour lui enlever son bâillon et lui offrir sa grâce au nom de l’empereur, s’il voulait reconnaître son crime et retourner au christianisme. Molcho répondit que depuis longtemps il aspirait à la félicité de mourir en martyr sur l’autel du Seigneur, et qu’il n’éprouvait qu’un seul regret, celui d’avoir été chrétien dans sa jeunesse. Il mourut avec un admirable courage (novembre-décembre 1532).

La confiance en Molcho était si absolue chez ses partisans que la plupart ne voulurent pas croire à sa mort. En Italie et en Turquie, on était convaincu qu’il avait de nouveau échappé miraculeusement au supplice, comme la première fois. Les uns affirmaient l’avoir vu vivant huit jours après qu’il avait été brûlé. D’autres prétendaient qu’il s’était rendu auprès de sa fiancée, à Safed.

David Reübeni eut une fin plus obscure. Il fut conduit en Espagne et enfermé dans une prison de l’Inquisition. On prétend qu’il mourut empoisonné, parce qu’en sa qualité de Juif, il ne pouvait pas être jugé par le Saint-Office. Par contre, de nombreux Marranes qui avaient entretenu des relations avec lui, et dont il avait peut-être indiqué les noms, sous l’influence des tortures, furent livrés aux flammes.

Malgré la douloureuse déception que la disparition de Molcho causa aux Marranes du Portugal, ils ne se découragèrent pas. Ils envoyèrent un autre délégué à Rome, Duarte de Paz, pour plaider leur cause auprès du pape. Duarte était tout l’opposé de Molcho. Calme, prudent, habile, il était familiarisé avec toutes les finesses de la diplomatie, connaissait les hommes et savait tirer profit de leurs faiblesses. D’origine marrane, il avait rendu en Afrique de grands services au Portugal, et en avait été récompensé par une situation élevée et la confiance de João III. Chargé d’une mission secrète et élevé, dans ce but, à la dignité de commandeur de l’ordre du Christ, il ne se rendit pas dans la ville qui lui avait été désignée, mais à Rome. Là, il s’occupa des affaires des Marranes pendant près de huit ans. Mais il ourdit si bien les fils de ses intrigues, qu’aujourd’hui il est difficile d’affirmer s’il a travaillé pour les Marranes ou pour le roi. Pourtant, Clément VII enjoignit