Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/79

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Turquie dés qu’il l’avait pu et était retourné au judaïsme. Plus tard, il s’était rendu à Jérusalem, où sa science talmudique l’avait fait nommer rabbin de la communauté. Se consacrant avec le plus absolu dévouement aux intérêts matériels et moraux de ses coreligionnaires, il avait réussi à maintenir ! union dans la communauté, formée d’éléments hétérogènes et parfois réfractaires à toute règle et à toute discipline. Lévi ben Habib possédait aussi des notions de mathématiques et d’astronomie.

En sa qualité de chef religieux de Jérusalem, Lévi ben Habib fut donc invité le premier à approuver l’ordination accordée à Berab par le collège rabbinique de Safed et à accepter, à son tour, cette investiture de la main de Berab. Mais, sans tenir compte de l’importance que la création d’un Sanhédrin pouvait avoir pour le judaïsme, et sans se rappeler que lui-même avait souhaité autrefois le rétablissement de l’ordination, Lévi ben Habib ne prit conseil que de son amour-propre froissé. À ses yeux, c’était reconnaître la supériorité de Safed et de son rabbin sur Jérusalem et son chef religieux que d’approuver l’entreprise de Berab ; il résolut donc de la combattre.

Il est vrai que Berab ne pouvait pas faire valoir d’arguments bien probants en faveur de l’ordination. Au fond, pour le collige rabbinique de Safed, cette institution devait surtout préparer l’avènement du Messie. Mais, c’était là une raison trop chimérique. même aux yeux de ceux qui attendaient cet événement avec une fiévreuse impatience, pour pouvoir justifier, au point de vue talmudique, une innovation aussi grave. On ne pouvait pas prétexter non plus qu’il fallait, comme, autrefois, des rabbins ordonnes pour déterminer les dates des fêtes, car depuis dix siècles on avait des règles fixes pour établir le calendrier, et il était interdit de les modifier. Les rabbins de Safed ne mettaient, en réalité, en avant qu’un seul motif pratique pour expliquer leur décision. Il s’en trouvait parmi les transfuges marranes de la Palestine qui, avant leur retour au judaïsme, avaient commis des péchés passibles, au point de vue talmudique, de la peine de mort. De tels péchés ne pouvaient être effacés que par la flagellation. Or, des juges ordonnés avaient seuls le droit d’infliger un tel châtiment. De là, la nécessité de rétablir l’ordination.