Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/80

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Comme Lévi ben Habib était décidé, pour des motifs personnels, à contrecarrer le plan de Berab, il ne lui fut pas difficile de réfuter ce dernier argument. Il essaya, en outre, de justifier son opposition par toute sorte de sophismes. Berab en fut profondément irrité, car il sentait bien que, sans l’appui de Jérusalem, la ville sainte, dont le prestige était si grand dans le monde juif, son entreprise était destinée à échouer. Pour comble de malheur, sa vie fut mise en danger, probablement par suite de dénonciations calomnieuses auprès des autorités turques, et il dut quitter momentanément la Palestine. Dans l’espoir de sauver son œuvre, il eut l’idée, à l’exemple de Juda ben Baba, du temps de l’empereur Adrien, d’ordonner avant son départ quatre talmudistes, choisis, non parmi les plus anciens, mais parmi les jeunes. Un de ces rabbins était Joseph Karo, le partisan enthousiaste de Salomon Molcho et de ses rêveries messianiques.

Les égards témoignés par Berab à des rabbins encore jeunes, au détriment de leurs aînés, exaspérèrent encore plus Lévi ben Habib. Il s’échangea alors entre les chefs des deux principales communautés de la Palestine une correspondance passionnée où se produisirent de déplorables excès de langage. À l’observation faite par Lévi ben Habib que, pour être digne de l’ordination, il fallait, à côté de l’instruction, posséder aussi la piété, Berab répondit par une allusion méchante au baptême imposé autrefois à son adversaire : Moi, dit-il, je n’ai jamais changé mon nom, je suis resté fidèle à mon Dieu en dépit des menaces et des souffrances.

Lévi ben Habib s’en trouva profondément blessé. Il avoua qu’à l’époque des conversions forcées, on l’avait, en effet, contraint, au Portugal, à changer de nom et à embrasser le christianisme, sans qu’il lui fait possible de mourir pour sa foi. Il alléguait, pour se disculper, qu’il était alors très jeune, qu’il ne conserva le masque du christianisme que pendant un an, et que, depuis, il avait versé et continuait de verser des larmes amères pour effacer son péché. Après s’être ainsi humilié, il se répandit en invectives contre Berab, le traitant de la façon la plus outrageante. Sur ces entrefaites, Berab mourut (janvier 1541), et avec lui disparut toute chance de réussite pour le rétablissement de