Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/92

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aucun Juif ne pourrait plus résider dans cette ville. Parmi les expulsés se trouvait un médecin, Joseph Haccohen, qui acquit une grande célébrité comme historien.

L’expulsion des Juifs d’Espagne et de Portugal et les souffrances inouïes des Marranes avaient fait réfléchir quelques penseurs juifs sur la diversité des destinées des peuples, et principalement sur les vicissitudes des descendants de Jacob, et ils étaient arrivés à cette conviction que les événements ne naissent pas purement au hasard, mais sont amenés par une Intelligence supérieure, qui dirige la marche de l’histoire. Une fois pénétrés de cette vérité, ils conclurent qu’on relèverait le courage des peuples malheureux, pour lesquels la Providence paraissait s’être montrée particulièrement dure, en leur plaçant sous les yeux l’histoire de la grandeur et de la décadence des diverses nations et en leur persuadant qu’en définitive c’est Dieu qui est l’unique arbitre de nos destinées et que les peuples, comme les individus, sont soumis à sa volonté. Aussi trouve-t-on à cette époque trois Juifs qui se firent historiens pour consoler leurs coreligionnaires des maux effroyables qui les avaient atteints et entretenir l’espérance dans leur cœur. Ce furent le médecin Joseph Haccohen, le talmudiste Joseph ibn Verga et le poète Samuel Usque.

De ces trois hommes, le plus important comme historien est Joseph ben Josua Cohen (né à Avignon en 1496, décédé en 1575). Son père était originaire d’Espagne. Lors de l’expulsion de 1492, il se rendit à Avignon et de là à Gènes, d’où il fut également exilé. Joseph étudia la médecine et parait avoir été attaché comme médecin, à Gènes, à la maison du doge André Doria. Quand les Juifs durent partir de Gènes (1550), les habitants de la petite ville de Voltaggio le prièrent d’exercer la médecine chez eux ; il y resta dix-huit ans. Mais l’histoire l’attirait plus que la médecine. Il se mit à rechercher d’anciennes chroniques pour écrire une sorte d’histoire universelle, et il commença son récit à partir de la chute de l’empire romain et de la création des nouveaux États européens. À ses yeux, l’histoire du monde se présentait sous la forme d’une lutte entre l’Europe et l’Asie, entre le croissant et la croix, et, plus particulièrement, entre la Turquie et la France. Pour l’histoire de son temps, qu’il a connue par lui-même ou par les informations