Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/109

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et inexpressif. Dans bourdon désignant un insecte, l’r avec son vibrement suggère l’idée du bruit que fait entendre cet animal, et les voyelles, très graves, en donnent la note générale ; quand ce mot est appliqué à une grosse cloche, l’r ne joue plus aucun rôle ; seule la tonalité très grave des voyelles rappelle la note fondamentale de la cloche, et, comme les deux voyelles ont presque le même timbre, elles peuvent suggérer qu’il s’agit de bruits qui se répètent ou se suivent sans être absolument identiques. De tels mots ne sont plus des onomatopées, mais de simples mots expressifs.

Leur emploi dans les vers. — Ces moyens que la langue a utilisés dans la formation de son vocabulaire, le poète peut s’en servir dans la construction de ses vers. S’il veut peindre un sifflement continu, par exemple, il n’aura qu’à répéter çà et là dans son vers l’élément le plus caractéristique du mot siffler ; il en deviendra ainsi la note essentielle répandue d’un bout à l’autre :

Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?

(Racine, Andromaque)

Mais il est relativement rare que le poète ait à décrire des bruits ou des phénomènes purement physiques ; le plus souvent il raconte des événements, exprime des sentiments ou développe des idées abstraites. Pourtant les plus grands poètes ont presque toujours cherché à établir un certain rapport entre les sons des mots dont ils se servaient et les idées qu’ils exprimaient ; ils ont essayé de les peindre, si abstraites fussent-elles. Ils l’ont pu parce que nos habitudes intellectuelles et le langage ordinaire