Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/110

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leur fournissaient les premiers éléments de ce travail.

Ce qui les rend intelligibles. — Notre esprit continuellement associe et compare ; il classe les idées, les met par groupes et range dans le même groupe des concepts purement intellectuels avec des impressions qui lui sont fournies par l’ouïe, par la vue, par le goût, par l’odorat, par le toucher. Il en résulte que les idées les plus abstraites sont presque toujours associées à des notions de couleur, de son, d’odeur, de sécheresse, de dureté, de mollesse. De là ces expressions courantes : des idées graves, légères, des idées sombres, troubles, noires, grises, lumineuses, claires, des idées larges, étroites, des idées élevées, profondes, des pensées douces, amères, insipides.

Ce sont là des comparaisons et des traductions parfaitement claires pour nous. On traduit une impression intellectuelle en une impression sensible, visuelle, auditive, tactile. On traduit un ordre de sensations en sensations d’un autre ordre ; on distingue des sons graves, des sons clairs, des sons aigus, des sons éclatants, des sons secs, des sons mous, des sons doux, des sons aigres, des sons durs, etc. Une idée grave peut donc être traduite par des sons graves, une idée douce par des sons doux, c’est-à-dire que pour produire l’impression qu’il cherche le poète peut accumuler dans ses vers des mots contenant des sons graves, ou des mots contenant des sons doux, ou d’autres encore. C’est par là qu’il suscite dans l’esprit du lecteur les idées et les images qu’il lui plaît, sans avoir besoin de les décrire dans le menu détail. La poésie est essentiellement suggestive.

Effets obtenus par des répétitions de phonèmes.